Après Olivier Rameau le mois dernier, Gen revient sur une série jeunesse (de saison en plus!) des plus emblématique avec une chronique de fond dont voici la première partie:
LA BD:
C'est quoi : LES SCHTROUMPFS. 1: Avant 1980.
C'est de qui ? Peyo avec parfois l'intervention de Yvan Delporte ou Gos pour les scénarios ou les dessins.
Une Couv':
Déjà croisé sur le site? non.
Une planche:
Ca donne Quoi ?
Loin de moi, l'idée de faire une thèse sur les schtroumpfs (d'autres l'ont fait), mais juste de rappeler que la série n'est pas aussi naïve ou gentillette que certains le pensent.
Je ne vais pas citer tous les albums mais plutôt reprendre les histoires que je préfère (pour leur scénario ou pour leurs graphismes) dans leur ordre de création sur la base de l'article de wikipédia.
La Flute à 6 trous (devenu La flute à 6 schtroumpfs en album) - 1958 :
Dans cette histoire, ils apparaissaient comme les fabricants d'une flute à 6 trous, au lieu de 7, qui avait le pouvoir d'obliger les personnes l'écoutant à danser jusqu'à l'évanouissement. Elle était tombée entre les mains d'un malandrin et il avait fallu en refaire une 2e pour combattre à armes égales.
On ne peut pas dire que les schtroumpfs étaient économes (ni écolos) dans cet album puisqu'ils coupent un énorme arbre pour faire une flute juste avec son cœur!
Leurs bonnets étaient encore proches de ceux des lutins, mais ils parlaient déjà schtroumpf.
Les schtroumpfs noirs – 1959
Dans la 1e aventure des schtroumpfs, ils sont confrontés à une terrible épidémie due à la mouche Bzzz. Suite à la piqure ou la morsure d'un ami contaminé, ils deviennent noirs et ne savent plus dire autre chose que "Gnap"… Mais tout finira bien grâce à l'explosion du laboratoire.
L'aspect physique des schtroumpfs est celui que nous connaissons encore. Mais ils ne sont pas encore nommés d'après leurs traits de caractères.
Si seulement, il existait des remèdes aussi efficaces que le pollen de tubéreuse contre les épidémies surgissant çà et là de par le monde!
Le voleur de schtroumpfs – 1959
Impossible de passer à côté de cette histoire où apparaissent les 2 ennemis récurrents des schtroumpfs : le sorcier Gargamel et son chat Azraël. Le premier veut dissoudre un schtroumpf pour créer la pierre philosophale servant à transformer les métaux en or. Le second a des visées gastronomiques sur ces petits êtres sans défense. Cela se conclura par la 1e grande défaite du sorcier grâce à une belle action commune des schtroumpfs.
Notons tout de même que Gargamel est un sacrément bon sorcier qui sait faire des philtres et potions très efficaces… quand ils ne sont pas transvasés dans un autre flacon!
Comme cela se passe dans beaucoup d'histoires des schtroumpfs, c'est en s'unissant qu'ils arrivent à combattre leur ennemi ou à surmonter une catastrophe plus ou moins naturelle. Gargamel et Azraël ont déjà leurs graphismes bien définis : l'un avec sa robe noire rapiécée d'un morceau blanc et l'autre avec son oreille déchirée.
L'œuf et les schtroumpfs – 1960
Pour faire un gâteau de fête, le grand schtroumpf a besoin d'un œuf. Mais ses 2 envoyés vont ramener un œuf trouvé dans la forêt qui s'avère être magique. En le touchant avec un objet, il résout le vœu de celui qui a frappé. Et voilà que les schtroumpfs demandent tout et n'importe quoi jusqu'à ce que le grand schtroumpf souhaite que tout redevienne comme avant… et qu'un poussin sorte de l'œuf!
Le lecteur a une drôle de surprise à la lecture de cette histoire qui nous fait découvrir les schtroumpfs sous un jour très humain : avides, jaloux, impatients et même méchants entre eux. Où est la belle harmonie qui règne généralement dans le village?
Je pense que c'est une variation voulue par Peyo du conte recueilli par les frères Grimm "Les trois souhaits". C'est la transformation en saucisse du 1e schtroumpf qui m'y fait penser puisque le 1e vœu du bucheron est d'avoir une saucisse, ensuite collée au nez de sa femme en 2e vœu (involontaire) avant que le 3e vœu remette tout en ordre.
Le Schtroumpfissime – 1964
Le grand schtroumpf parti chercher de l'euphorbe, les schtroumpfs s'élisent un chef. Au début chacun vote pour lui-même et il est décidé de laisser passer une nuit avant le vote. Un schtroumpf découvre par hasard qu'il peut acheter les votes des autres soit an promettant des lois contre les raseurs ou pour un gâteau journalier ou le travail seulement si on veut bien, soit en les flattant, soit en proposant des postes ministériels. Une fois élu, il va s'habiller en doré et demander à être appelé "schtroumpfissime".
Les autres croient à une blague, mais une équipe de gardes est créée et les schtroumpfs vont connaître le travail forcé pour construire un palais. Après l'arrestation du schtroumpf farceur, une révolte est balayée par la garde et un groupe d'insoumis se forme. L'affrontement est inévitable et la bagarre est générale quand le grand schtroumpf revient et calme les esprits avec cette phrase terrible : "Vous vous êtes conduits comme des humains!".
C'est mon histoire préférée. Elle fait partie de celles où Peyo et Delporte se moquent gentiment de nos travers humains. Cela commence avec la facilité avec laquelle on se laisse séduire par un beau parleur et que l'on est prêt à le croire sur sa bonne mine. Puis cela continue avec le dévoiement d'une fonction élective en dictature. Et cela se finit avec une guerre civile.
Le pouvoir peut pourrir ceux qui en ont plus ou moins : depuis le délégué de classe qui oublie qu'il doit représenter tous les élèves et pas ses intérêts personnels aux élus des états démocratiques (enfin pas trop s'il y a abus de pouvoir) en passant par les représentants du personnel en entreprise qui prennent des décisions sans demander l'avis de leurs collègues.
Au dessin, Peyo s'est sans doute bien amusé en faisant évoluer le bonnet du schtroumpfissime en y collant une couronne, puis en le transformant en casque de guerre avec un beau cimier rouge. Au scénario, Delporte s'est amusé à placer quelques phrases assassines du genre : "Il suffit de leur faire des promesses!" ou "Dites-moi vous!"… Il faut lire en entier le discours de veille de vote en remplaçant les "schtroumpf" par des mots habituels du discours politique; je vous garantis qu'il est impossible de ne pas rire ou au moins sourire. Comme au "Schtroumpf" tonitruant répondu à la demande de reddition du dernier carré, d'ailleurs.
La Schtroumpfette – 1966
Tout commence par un nouveau sortilège réalisé par Gargamel : la création d'une schtroumfette pour semer la zizanie dans le village schtroumpf. Il ne lésine pas sur les ingrédients : perles pour les dents, saphirs pour les yeux et soie pour la chevelure. Mais sa création ne va pas vraiment séduire les schtroumpfs.
Par pitié pour elle, le grand schtroumpf va corriger son physique et en fait une vraie beauté fatale. Tous sont sous son charme et obéissent à ses moindres désirs jusqu'à provoquer une catastrophe. S'en suit un procès dont elle sort acquittée. Mais, ayant compris qu'elle est nocive pour les schtroumpfs, elle décide de s'éloigner du village. Les schtroumpfs se vengeront en créant une humaine (pas très belle) qu'ils envoient à Gargamel.
Le bain magique à réaliser pour doter une statuette d'une nature féminine est un florilège de tous les défauts attribués par les misogynes aux femmes : coquetterie, hypocrisie, inconscience, perfidie, prodigalité… Mais Delporte et Peyo ont mis une note de bas de page pour engager la seule responsabilité de l'auteur du grimoire!
Je pense qu'ils ont choisi aussi de se moquer gentiment de la propension des hommes à se laisser subjuguer par la beauté au point d'oublier la personnalité et l'esprit.
Pour le moment, la schtroumpfette vit hors du village mais elle s'y installera dans le futur. Elle évoluera aussi côté caractère mais elle gardera son côté naïf.
Pièges à schtroumpfs – 1968
Ce n'est peut-être pas leur histoire la plus connue mais je l'aime bien car elle montre encore une fois que Gargamel n'est pas stupide et qu'il est un sorcier efficace à défaut d'être gentil. Pour capturer tous les schtroumpfs, il commence par poser des pièges adaptés à leurs personnalités : fleur soporifique pour le coquet, cadeau coup-de-poing pour le farceur, livre de morale pour celui à lunettes ou gâteau collant pour le gourmand. Puis un grand filet d'oiseleur pour les autres venus à la rescousse des prisonniers… dont le grand schtroumpf arrive à se dégager. Gargamel perdra bien sûr, mais, cette fois-ci, c'est son attrait pour l'or qui va le perdre.
J'avoue avoir un intérêt pour les méchants des histoires car un héros n'est rien s'il n'a pas un bon adversaire. Considérer Gargamel comme un crétin serait être injuste à l'égard des schtroumpfs souvent héroïques face à lui et devant rivaliser d'ingéniosité. D'accord c'est un perdant, mais ses pièges sont souvent ingénieux. Que voulez-vous qu'il fasse seul contre 100?
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Une chronique de Gen