LA BD:
C'est quoi : LES SCHTROUMPFS
C'est de qui ? Peyo avec parfois l'intervention de Yvan Delporte ou Gos pour les scénarios ou les dessins
Une Couv':
Ca donne Quoi ?
Les schtroumpfs et le Cracoucass – 1968
Le grand schtroumpf a encore raté une expérience : son engrais transforme une pâquerette en plante carnivore. Mais les 2 schtroumpfs auxquels il demande d'aller l'enterrer dans le désert le jettent dans un précipice… 1 goutte tombe dans la bouche d'un oisillon qui devient un oiseau monstrueux. Celui-ci va s'attaquer au village et le détruire partiellement. Réfugiés dans la vieille tour abandonnée, les schtroumpfs vont transformer une arbalète en lance-pierres, puis lance-pétard. L'oiseau déplumé est capturé et sera réduit à une taille minuscule par une potion prise chez Gargamel.
Une fois de plus (ce n'est pas la dernière), une désobéissance aux consignes entraîne une catastrophe. Un méchant oiseau attaque le village, mais une cigogne aide les schtroumpfs à se réunir. Le grand schtroumpf apparait ici comme un vrai héros totalement dévoué aux petits schtroumpfs au risque de mettre sa vie en danger (la corrida avec le cracoucass déplumé est comique).
J'avoue que celui que je préfère dans cette histoire est le cracoucass qui est un vrai méchant qui n'a pas de raison spéciale d'en vouloir aux schtroumpfs, à part peut-être le côté alimentaire!
Le schtroumpfeur de pluie – 1969
Le schtroumpf bricoleur a une idée géniale : fabriquer une machine à contrôler le climat… et cela fonctionne! Mais les intérêts divergents du schtroumpf paysan, qui veut de la pluie pour ses salades, et du schtroumpf poète, qui veut écrire une ode au soleil, vont entreîner un dérèglement du climat se traduisant par des passages instantanés du chaud au glacial ou du soleil à la tempête. Heureusement que le grand schtroumpf (encore lui!) a une idée géniale pour détruire l'invention folle.
Y aurait-il un soupçon de défiance envers les techniques appliquées trop vite sans tests chez le trio Peyo, Gos et Delporte? On pourrait le croire au vu des catastrophes provoquées par la machine (heureusement uniquement sur le village schtroumpf). À moins que ce ne soit un héritage rabelaisien du "science sans conscience n'est que ruine de l'âme" pour montrer qu'une technique de pointe ne doit pas être utilisée n'importe comment ou mise entre n'importe quelles mains. N'empêche, quel génie, ce schtroumpf bricoleur!
Le Cosmoschtroumpf – 1969
Au lieu de se contenter de rêver devant les étoiles, le cosmoschtroumpf veut visiter d'autres mondes. Malheureusement sa fusée, motorisée par l'usage d'un pédalier, n'est pas assez puissante. Mais la solidarité n'est pas un vain mot pour les schtroumpfs et ils vont réaliser ce rêve en démontant et remontant la fusée et en se transformant en "schlips". Pour convaincre le cosmoschtroumpf de rentrer chez lui, il va falloir lui imposer une série d'épreuves dont la dernière sera décisive.
Le groupe formé par les 100 schtroumpfs est vraiment fantastique quand il s'unit pour combattre la dépression d'un des leurs. Je suis juste étonnée qu'ils n'arrivent pas à parler le langage humain (sans schtroumpf) et qu'ils passent aussi aisément au langage schlips. J'aime beaucoup la morphologie des schlips imaginée par Peyo : une peau rouge (contraste avec le bleu), des cheveux noirs raides, une bouche cernée de blanc (comme un maquillage de clown) et un pagne en paille. Une vraie tribu sauvage, quoi! Les épreuves brillamment réussies par l'aspirant schlips sont plus drôles les unes que les autres, le grand schtroumpf les imaginant sur le vif car il n'avait pas prévu que le cosmoschtroumpf veuille rester sur sa nouvelle "planète".
Notons que cette histoire a été créée en 1969 à l'époque où le programme Apollo battait son plein et l'année où Neil Armstrong a posé le pied sur la lune.
Schtroumpf vert et vert schtroumpf -1972
Le langage schtroumpf nous semblait bien établi jusqu'à ce que nous découvrions qu'il y a une différence entre le Sud et le Nord du village. Tout part du prêt par le schtroumpf bricoleur de son schtroumpfe-bouchon à un schtroumpf du Nord qui cherche un tire-bouschtroumpf. Puis la représentation de la pièce "le petit schtroumpferon rouge" (et pas le petit chaperon schtroumpf selon le Sud) tourne à la bataille rangée. Le grand schtroumpf, pris par ses expériences, a cru régler le problème, mais une frontière Nord-Sud est tracée au sol. Le seul à pouvoir réunir les schtroumpfs est Gargamel. Pour cela, le grand schtroumpf utilise une formule magique pour échanger leurs corps. Pour une fois, c'est Azraël qui sauvera le village, quand l'échange de corps est annulé, en s'attaquant à Gargamel qu'il croit être toujours le grand schtroumpf.
Il se dit que Delporte et Peyo voulaient évoquer la querelle linguistique entre wallons et flamands dans cette histoire. Mais elle s'applique aussi bien à toutes les "querelles de clocher" qui créent des bagarres entre quartiers ou entre groupes quelconques dès qu'il y a une différence pouvant servir de déclencheur. En littérature, je pense à la querelle des "petits-boutiens" de Lilliput et des "grands-boutiens" de Blefuscu dans les voyages de Gulliver de Jonathan Swift ou à la guerre des boutons de Louis Pergaud… Des ambiguïtés dans le langage persistent de nos jours : des mots qui n'ont pas le même sens en anglais du Royaume Uni qu'en anglais des États-Unis, des mots anciens oubliés par les français et encore utilisés par les canadiens francophones… Ces ambigüités restent au niveau de la moquerie le plus souvent, mais elles peuvent entraîner des problèmes dans des relations commerciales quand les interlocuteurs ne mettent pas le même objet sur un même mot, par exemple.
J'ai un souvenir personnel de mes années d'études : un copain étudiant du Nord avait invité un groupe à fêter son anniversaire chez lui. En fin de repas, je luis dis : "je vais passer la pièce. Où est-elle?". Il me demande ce que je veux et je lui dis : "En français courant, une serpillière!". "Ah! Une wassingue!" m'a-t-il répondu. Autrement dit, 3 mots pour le même objet. Et plus tard en Lorraine on m'a dit que c'était un torchon de plancher, 4e mot.
Le lecteur découvre avec joie qu'il n'est pas le seul à ne pas toujours comprendre ce que disent les schtroumpfs. Les sudistes mettent schtroumpf au début des mots composés et les nordistes à la fin d'où le schtroumpfe-bouchon du Sud qui devient tire-bouschtroumpf au Nord. Cela donne une case hallucinante où certaines particularités du langage schtroumpf sont démontées et montrent qu'il faut savoir d'où vient celui qui parle… On y découvre aussi que le schtroumpf grognon "n'aime pas les tire-bouchons!". Par la suite, Peyo jouera plusieurs fois avec les tire-bouchons en langue schtroumpf.
On assiste aussi à l'apparition du football suite à un coup de pied dans la balle qui fait dégénérer une partie en match Nord-Sud… digne des rencontres historiques PSG-OM où le public s'injuriait d'une tribune à l'autre. Et plaignons celui qui habite sur la frontière qui cuit un "œuf à la schtroumpf" d'un côté et mange un "schtroumpf à la coque" de l'autre… cela le rend fou!
La soupe aux schtroumpfs – 1976
3 schtroumpfs se trouvant à côté de la maison de Gargamel voient un géant, Grosbouf, s'y inviter à manger. Les réserves vidées, Gargamel lui propose de faire une soupe aux schtroumpfs, un met délicieux. La chance l'aidant, Grosbouf trouve le village. Le grand schtroumpf va le faire patienter jusqu'au lendemain avec de la musique, de la poésie, un repas, de la morale, puis en lui expliquant qu'il faut la rosée matinale. Puis 4 schtroumpfs ignifugés sautent dans le chaudron et en ressortent quand Grosbouf s'éloigne. La soupe n'est pas très bonne et, à cause de la mixture mise dedans, le géant devient un monstre. Persuadé que c'est la faute de Gargamel, il l'oblige à chercher un antidote qui s'avère être une feuille de salsepareille.
La confrontation entre les petits schtroumpfs et le géant donne un contraste amusant, surtout que celui ne semble pas être plus méchant que cela, juste très affamé. La série de transformations de Grosbouf en des créatures de plus en plus bizarres, ponctuée des rires des schtroumpfs, est dessinée de façon très dynamique.
Encore une fois, le grand schtroumpf prouve que ses 542 ans n'ont pas été passés à s'amuser et qu'il a bien étudié la magie. Son intelligence aigüe et vive le rend digne de guider les schtroumpfs (en plus de l'âge).
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L'un des grands plaisirs de la série, pour un adulte, est de décoder le langage schtroumf pour y retrouver maximes, proverbes ou citations comme "Ce qui se schtroumpfe bien s'énonce schtroumpfement". Bien sûr, avec les variantes du Nord et du Sud du village, cela complique parfois un peu les choses et, parfois, ils ne se comprennent pas entre eux!
L'autre plaisir est de voir au-delà de l'histoire pour enfants et de rire de nos propres travers humains.
Peyo était un grand auteur qui restera au panthéon du 9e art en particulier pour sa création unique et magique des schtroumpfs.
Un dernier mot : cette liste d'histoires m'est personnelle, vous aurez envie d'en enlever certaines et d'en rajouter d'autres. Mais pour cela, vous allez devoir les relire… ce qui était mon but initial!!
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Une chronique de Gen