Puisque nous sommes dans le western, j'en profite pour vous partager une interview que j'ai faite un peu plus tôt ce mois ci pour l'excellent podcast Soundtrip de notre ami Lio, que les fidèles du coin connaissent pour les très bonnes chroniques musicales qu'il nous avait proposées il y a quelques années.
Nous évoquons la naissance de B.O BD et partageons quelques coups de coeur de musique western!
Ca donne Quoi ? Voici le second tome de l’anthologie des récits western dessinés (et parfois scénarisés) par l’un des maîtres incontestés du noir et blanc en BD.
On y retrouve une quinzaine de récits couvrant diverses époques, permettant d’apprécier l’évolution des techniques et du style graphique de Serpieri, il aurait d'ailleurs été intéressant que les histoires soient proposées dans l’ordre chronologique (et avec une table des matières également).
Parmi celles-ci on retiendra notamment La Règle du Jeu qui évoque le mythique Pony Express avec un jeune messager aux prises avec les Peaux-Rouges. Tandis que Porter le Coup est une histoire de vengeance implacable.
Certaines histoires se démarquent de par leur ton, Takuat, par exemple, renoue quelque peu avec les récits d'anticipation de Serpieri, on y suit un indien qui voyage dans le temps depuis la préhistoire de son peuple. Le Monstre quant à elle est écrite un peu dans l'esprit des Eerie de EC Comics, avec une chute des plus inattendue.
Cette anthologie qui se veut exhaustive a le mérite de rappeler que le dessinateur transalpin n’avait pas son pareil pour dessiner les grandes prairies, les guerriers Oglala ou sioux, les batailles rangées… et ce qui fera son succès, les héroïnes accortes!
S’inspirant entre autres des photos historiques de Curtis, il donne une vie criante de vérité à ses indiens.
Il est à noter qu’hormis les histoires tirées de la vieille série jeunesse Histoire du Far West (et qui, à ma connaissance n'étaient pas rééditées en VF depuis) le reste était sorti chez Mosquito et pour les amateurs comme votre serviteur foin d’inédits donc.
Mais pour ceux qui n’avaient pas encore tout lu, ces deux tomes sont un must-have surtout qu’ils sont complétés de dossiers fournis et autres interviews.
LA MUSIQUE:
C'est quoi : LE BANDIT
C'est de qui ?H.B. Gilbert
La Couv':
Déjà entendu chez B.O BD? Oui
On peut écouter ?
Ca donne Quoi ? Responsable de centaines de pistes d’illustration musicale utilisées à toutes occasions dans des dizaines de séries tv et autres séries B durant plus de deux décennies, Gilbert a eu aussi l’occasion de s’exprimer un peu plus sous les projecteurs même si ceux-ci éclairaient surtout des films de seconde zone.
Pourtant sur ce western on peut apprécier l’éventail du talent du compositeur qui donne corps aussi bien à la liaison dramatique entre les protagonistes du film qu’aux –rares- séquences de gunfight et de suspense. Si, en lieu et place de l’ambiance mariachis de quelques pistes on aurait préféré des morceaux plus marquées musique amérindienne, on se consolera avec la belle utilisation des cuivre et des vents qui se répondent de manière tantôt menaçante tantôt mélancolique.
Un score certes plus old school que les récits de Serpieri mais qui passe plutôt bien avec.
Ca donne Quoi ? On n’échappe pas à son destin, c’est ce que Ryder, ancienne desperado (desparada?) va apprendre à ses dépends alors que, rangée des colts et de sa vie de bandit de grand chemin, mère et épouse comblée, elle chope une maladie incurable.
Mais c’est mal connaître la dure à cuire de penser qu’elle va laisser le destin lui dicter le sien et voilà qu’elle part affronter la Mort en personne, dans la ville maudite de Cypress .
Si le terme “western crépusculaire” n’existait pas, on aurait pu l’inventer pour définir la mini série de Skottie Young et Jorge Corona.
Entre un scénario sans concessions où la tragédie et la violence se tiennent la dragée haute et une partie graphique virtuose ce one shot se révèle d'une efficacité redoutable.
Le rythme est soutenu et le suspense omniprésent, mention spéciale à la quatrième partie notamment, entièrement muette, qui confirme le talent à la fois graphique et narratif du duo derrière ce Aucune Tombe Assez Profonde!
LA MUSIQUE:
C'est quoi : IMPITOYABLE
C'est de qui ? L. Niehaus
La Couv':
Déjà entendu chez B.O BD? Oui
On peut écouter ?
Ca donne Quoi ? Alors que la décennie a débuté sous les meilleures auspices avec l’immense succès critique comme public du Danse avec les loups de Kostner, Le vieux Clint décide de remettre les pendules à l’heure en proposant cette histoire de vieux desperado repenti qui se voit obligé de reprendre du service quitte à y laisser des plumes et ce qu’il lui restait d’âme.
Avec des réminiscences de Lalo Schifrin sur certaines pistes à cheval (hum !) entre le western et le thriller, Niehaus laisse bientôt la mélancolie et la tristesse poétique des débuts de la B.O d’Unforgiven pour se consacrer à développer des montées en puissances où la tension est le maître mot.
13 ans après Pale Rider, leur première collaboration, le film comme sa B.O prouvent que peut encore produire des œuvres de genre efficaces et abouties et que les deux artistes s’inspirent toujours mutuellement.
Une musique aussi crépusculaire que l’on pouvait espérer au vu du scénario, qui se marie également fort bien avec le comics du jour.
Ca donne Quoi ? Norman Pyle, jeune lieutenant de l’armée américaine, est missioné par ses supérieurs, en cette année 1870, pour aller retrouver un colonel renégat qui, à la tête d’une bande d’indiens Navajos sème la terreur dans la région de Monument Valley.
Ce n’est certes pas pour son expérience qu’ a été choisi notre héros mais parce que le gradé après qui il va courir n’est autre que son frère aîné, soldat décoré qui aurait perdu la raison.
Il va escorter des colons puis des éleveurs de moutons dans un Ouest sauvage jusqu’au coeur des ténèbres.
La fin de la phrase n’est évidemment pas anodine, puisque c’est du roman éponyme de Joseph Conrad qu’est tiréé ce gros one shot.
Si la BD a déjà pas mal adapté le texte d’origine, avec quelques beaux coups d’éclats (je pense que nous avons chroniqué quasiment toutes ces tentatives dans nos pages), le couple Charles transpose l’intrigue dans le far west de la conquête de l’Ouest avec une certaine réussite, l'environnement s’y prêtant plutôt bien.
Peut être que certains passages en milieu d’album auraient gagnés à être plus concis afin de développer un peu plus les retrouvailles entre les deux frères mais en l'état l'histoire se veut autant une relecture du roman d’origine que de la vie des premiers américains.
A la manière d’un Rosinsky, Jean François Charles a réalisé la partie graphique “à l’ancienne”, avec des crayonnés repassés ensuite à l'acrylique.
Le résultat est souvent très beau, avec des grandes pages et doubles pages qui ne sont pas sans faire penser aux peintures des grands artistes des XIX° et XX° siècles qui ont immortalisé les grands espaces américains, même si certains visages sont plus dans le délié, l’esquissé, ce qui n’enlève rien à un résultat très en phase avec son sujet.
LA MUSIQUE:
C'est quoi ?LA DERNIERE CARAVANE
C'est de qui ?Lionel Newman
La Couv':
Déjà entendu chez B.O BD?
On peut écouter ?
Ca donne Quoi ? Si Lionel Newman est peut-être moins connu que son frère Alfred, voire que ses fils Randy ou Thomas (la B.O c’est une histoire de famille chez les Newman !) il n’en n’est pas moins l’un des acteurs majeurs de la discipline toute génération confondues, ne serait-ce que par sa participation à un degré ou un autre à de nombreuses pierres angulaires du genre (et aux carrières de pointures comme Goldsmith ou Williams entre autres).
Dans The Last Wagon il est également question d’un indien blanc, ici joué par un Richard Widmark vengeur après le massacre de sa femme et son fils comanches.
Une fois le générique un peu trop classique et grandiloquent passé, le reste du score de Newman opte pour une approche bien plus sombre où les cuivres donnent de la voix dans des registres souvent graves annonçant des explosions courtes mais intenses jouées par les cordes.
Le suspense à fleur de peau de pas mal de pistes est de temps à autre contrebalancé par des pistes plus mélancoliques mais c’est pour mieux relancer la machine (la musique de la scène du combat au couteau en est un bon exemple).
On appréciera tout particulièrement, à la lecture de ce Au coeur du désert, les passages où le compositeur évoque la musique tribale indienne via les instruments classiques, procédé courant à l’époque mais qui fait toujours son petit effet.
Ca donne Quoi ? Texas, fin du XIX° siècle. La mère de Billy, un jeune cow-boy bâtard, s’est noyée un soir de beuverie.
Le jeune homme va tenter de découvrir ce qu’il s’est réellement passé tout en côtoyant les deux figures tutélaires qui l’accompagnent depuis son plus jeune âge et dont il soupçonne un des deux d’être son père.
C’est dans une spirale de violence que cette tragédie va se régler!
Après le très beau La Femme à l’Etoile, paru il y a tout juste deux ans, Anthony Pastor reste dans le western avec à nouveau un récit crépusculaire aux personnages cornéliens.
Son jeune héros romantique est tiraillé entre quête de paternité et questionnement moral, le tout dans des décors sauvages et beaux magnifiquement rendus par le style réaliste et le crayon et les couleurs d’un auteur complet qui livre de nouveau ici un one shot âpre et sans concessions.
LA MUSIQUE:
C'est quoi ?JOHNNY ORO
C'est de qui ? C. Savina
La Couv':
Déjà entendu chez B.O BD? Oui.
On peut écouter ?
Ca donne Quoi ? Chef d’orchestre tout autant que compositeur, Savina a travaillé avec les plus grands noms de son époque : Nascimbene, Rozsa, Sarde ou encore, évidemment, son compatriote Morricone.
Expérience ô combien gratifiante pour l’italien qui a su mettre à profit ces collaborations. Avec plus de 200 B.O à son actif, Savina a bien entendu écrit extensivement pour les westerns spaghettis, ainsi sur le score de cette série B lambda s’il en est, il propose une partition calibrée certes mais bourrée de qualités illustratives et mélodiques.
A l’instar de Morricone, Savina ne bâcle jamais un travail et, si la panoplie au complet du score de western est de la partie (guitare, trompette et même …sifflement) quelques trouvailles intelligentes comme des brisures dans les rythmiques ou encore des notes bleues qui flirtent avec l’atonal, pimentent sa B.O avec originalité.
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Conseils d'écoutes musicales pour Bandes Dessinées
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"...ces illustrations sonores. On apprend toujours quelque chose avec elles. Y compris sur des œuvres qu'on a soi-même écrites." Serge Lehman. (La Brigade Chimérique, Metropolis, L'Homme Truqué)