10 septembre 2016 6 10 /09 /septembre /2016 16:18

 

 

Quelque chose de bien plus old school, avec un duo de stars au casting, et qui s'inscrit dans la continuité du cycle "Blade Runner Blues", initié avec The Long Tomorrow de Moebius et O'Bannon :

 

 

 

LA BD :

 

 


C'est quoi : BLADE RUNNER : A MARVEL SUPER SPECIAL

 


C'est de qui : Al Williamson & Archie Goodwin

 

 

La Couv' :

(Toujours plus) de Science, (une bonne dose de) Fiction  /  Blade Runner : A Marvel Super Special Vs. E2-E4

Déjà lu sur le site ?

 

 

Une planche :

 

 

Ca donne Quoi ? Il y a généralement peu à attendre des adaptations de films en bandes dessinées. Toutefois, comme on a pu le constater dernièrement avec Cabal, lorsque producteurs et éditeurs s'accordent pour mettre sur le coup des artistes compétents, la donne peut se révéler payante. On l'aura compris, c'est donc plutôt à cette seconde catégorie que se rattache la version "papier" du Blade Runner de Ridley Scott. 

 

Publiée par Marvel en 1982, dans sa collection Super Special, agrémentée d'une splendide couverture de Jim "Nick Fury" Steranko, avant d'être rééditée sous la forme d'une mini-série en deux volumes, la BD bénéficie de la double expérience du scénariste Archie Goodwin, jadis pilier de Creepy, et du dessinateur Al Williamson, ancien collaborateur de Frank Frazetta.

 

Les deux hommes n'en sont pas à leur première collaboration, puisque parmi une tripotée de séries, ils ont animé pendant plus de dix ans les aventures de Secret Agent X-9, lancées par Dashiell Hammett et Alex Raymond, le créateur de Flash Gordon... que Williamson reprendra également à la fin des années 60.

 

Du scénario de David Peoples et Hampton Fancher, lui même basé sur le roman de Philip K. Dick, Do Androids Dream of Electric Sheep ?, Goodwin conserve dans ses grandes lignes la structure principale, mais se voit contraint de l'élaguer pour le faire rentrer dans le format d'une cinquantaine de pages qui lui est alloué.

 

Les puristes crieront sans doute au scandale, mais il faut reconnaître que les choix de coupes opérés par Goodwin se révèlent judicieux et lui permettent de tirer davantage l'intrigue dans le champ du pur roman noir futuriste, option en parfait accord avec l'esthétique du film de Ridley Scott. La voix-off du héros, présente dans la version proposée en 1981 aux spectateurs devient dès lors un élément narratif nullement redondant qui permet même au scénariste d'intégrer quelques anecdotes, absentes du film, sur le passé de Deckard en tant que Blade Runner, les liens qui l'unissent à son supérieur Bryant, ou sur les incroyables capacités physiques de Roy Batty. 

 

 

 

Le dessin de Williamson est au diapason du travail de réécriture de Goodwin. Le grand soin qu'il apporte aux détails architecturaux (la pyramide de la Tyrell Corporation, la chambre d'Eldon Tyrell ou encore la cage d'escalier du Bradbury Hotel où vit J.F. Sébastien) rend justice aux nombreuses recherches artistiques effectuées par Sid Maid sur le design de Los Angeles.

 

Sans aller jusqu'à égaler l'impressionnante photographie du film, ni à retranscrire à la perfection son ambiance sombre et poisseuse, le dessinateur livre une prestation des plus respectables (même si ses personnages ne ressemblent qu'une case sur cinq aux acteurs dont il sont sensés s'inspirer...), réhaussée par un encrage subtile et une mise en couleur à laquelle le passage du temps confère un grain et une patine que Photoshop a peu de chance de nous offrir un jour.    

 

Sans être un chef d'oeuvre insurpassable, le comics de Blade Runner n'a donc nullement à rougir de son statut d'oeuvre de commande et assure, haut la main, la mission qui est la sienne : prolonger, avec style, le plaisir de visionnage du film dont il est tiré. Toutes les adaptations ne peuvent pas en dire autant.

 

 

La BD étant assez difficile à dénicher, voici un lien qui permettra aux curieux de la lire dans son intégralité. 

 

Le cycle "Blade Runner Blues" se poursuit avec Do Androids Dream of Electric Sheep ? de Tony Parker.

 

 

 

 

LA MUSIQUE

 

 

 

 

C'est Quoi ? E2-E4

 

 

C'est de Qui ? Manuel Göttsching

 

 

La couv' :

 

 

Déjà croisé sur B.O BD ? Non

 

 

On peut écouter ? Les neufs titres de l'album sont disponibles en... six parties sur le Tube.

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Ca donne Quoi ? Enregistré, selon la légende, en une seule prise, la nuit du 12 décembre 1981, par l'ancien guitariste d'Ash Ra Tempel, E2-E4 propose une 1ère partie (à l'époque du vinyle-roi, on parlait de "face") électronique résolument tournée vers l'avenir, qui va progressivement céder la place à une suite pour guitare très 70's. Cette opposition machine vs. humanité n'est évidemment pas anodine dans une proposition d'accompagnement musical à l'adaptation en comics de Blade Runner

 

Poussant plus loin la comparaison avec l'oeuvre de Ridley Scott, Manuel Göttsching offre avec son album un dialogue musicalement novateur entre beats répétitifs qui unissent, dans leurs boucles lancinantes, sonorités synthétiques et analogiques (chants d'oiseaux, ambiances aquatiques) au final très humaines et sons de cordes folks, nostalgiques d'un rock progressif - ou, pour le cas de Göttsching, d'un "Krautrock" - déclinant.  

   

"Chant d'adieu à la jeunesse [...], aux illusions, aux révolutions" (in Electro 100, Olivier Pernot, Ed. Le Mot et le Reste), E2-E4 incarne enfin une certaine conception de la bande-son de demain que quelques musiciens (dont Vangelis...) tentaient d'élaborer à l'époque où Scott s'efforçait d'imposer, à des producteurs obtus, sa vision cinématographique du monde de demain. Trente-cinq ans plus tard, à en juger par l'influence toujours intacte, dans leurs domaines respectifs, des deux oeuvres de l'Allemand et de l'Anglais, on peut parier qu'ils avaient vu juste. 

 

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Une chronique de Lio

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26 août 2016 5 26 /08 /août /2016 07:28

 

 

 

LA BD :

 

 


C'est quoi : CABAL

 


C'est de qui : Jim Baikie, Alan Grant & John Wagner

 

 

La Couv' :

Director's Cut  /  Cabal Vs. The Shining

Déjà lu sur le site ? Wagner, oui.

 

 

Une planche :

 

 

 

Ca donne Quoi ? Clive Barker n’a jamais caché l’incompréhension, ni la rancune tenace, qu’il nourrissait vis-à-vis du traitement infligé à son second film par la 20th Century Fox, malgré l’accueil favorable reçu par Hellraiser. Adaptation d’une novella publiée en 1988, Cabal développe deux intrigues qui vont rapidement se recouper : le voyage initiatique d’Aaron Boone, jeune homme hanté par la vision de Midian, étrange cité-sanctuaire peuplée de monstres, et les meurtres perpétrés par un impitoyable tueur en série qui dissimule son visage derrière d'inquiétantes bandelettes... et ses yeux, sous deux boutons de corne.

  

S'appuyant sur le schéma classique d'un récit d’horreur fantastique mâtiné de thriller, Cabal se veut avant tout une réflexion sur la monstruosité physique, incarnée au sens propre par la tribu des Nocturnes de Midian (la fameuse "Nightbreed" qui donne son titre original au film), ou morale, personnifiée par les trois figures négatives de l’humanité que sont l’analyste Philip Decker (David Cronenberg à l’écran et sur l'hideuse couverture de l'édition française du comics), l’homme de loi (le capitaine Eigerman) et l’homme de foi (le révérend Ashberry).

 

 

 

 

A l'instar de certains chefs d'oeuvre du cinéma d'épouvante comme King Kong, Freaks ou encore La Fiancée de Frankenstein qui ont pris le "parti du monstre" et qu'il cite comme sources d'inspiration, Barker se plaît à inverser le regard porté traditionnellement sur la figure du paria dont il fait, lui aussi, le héros de son histoire. D'aucun pourrait d'ailleurs voir dans Cabal un parallèle avec la marginalisation imposée à la communauté homosexuelle (à laquelle l'auteur reste très sensible) ou plus encore avec l'histoire du peuple juif, ouvertement convoquée à travers la "diaspora" finale des Nocturnes et leur attente d'un nouveau "guide".

 

Ce discours, aussi engagé qu'audacieux, est soutenu par de belles idées de mise en scène et bénéficie d’un travail époustouflant sur le maquillage, qui confère une crédibilité indéniable au bestiaire "nocturne". Cependant, le résultat original a toujours laissé à désirer et sentait à plein nez le projet remonté par un distributeur incapable de gérer la singularité artistique qu'il avait entre les mains. Si les fans du films disposent depuis 2014 d'un Director's Cut digne de ce nom, ils ont toutefois eu le temps, pendant vingt-quatre ans... de lire, relire - voire même re-relire ! - son excellente adaptation en bande dessinée. Certains puristes me diront qu'ils n'avaient qu'à se contenter du bouquin au lieu de se prendre la tête pour de vulgaires produits dérivés... c'est pas faux, mais ce n'est pas l'objet de cette chronique.   

 

Orchestré par des artistes chevronnés tels que le dessinateur Jim Baikie, collaborateur d'Alan Moore pendant plus d'une décade sur la série Skizz, et le duo de scénaristes Alan Grant et John Wagner (co-créateur du Judge Dredd et futur scénariste de A History of violence, qu'adaptera à l'écran un certain David C.), Cabal le comics reprend le récit développé par le film, mais y réinjecte moulte détails scénaristiques sacrifiés par les censeurs de la 20th Century Fox. En approfondissant la nature des rapport entre les personnages, leurs motivations profondes et en apportant plus de détails au fonctionnement de la tribu des Nocturnes, la BD redonne toute sa chair à l'univers imaginé par Clive Barker. Servie par des illustrations délicates et un découpage savamment maîtrisé, elle permet au final de mesurer pleinement le potentiel thématique et mythologique du projet qu'il avait en tête (s'il avait fonctionné, le film aurait donné lieu à une trilogie) et offre une belle claque à tous les adeptes de "bigarrures" artistiques !

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LA MUSIQUE

 

 

 

 

C'est Quoi ? THE SHINING

 

 

C'est de Qui ? Wendy Carlos, Gyorgy Ligeti, Béla Bartok, Krzysztof Penderecki et alii

 

 

La couv' :

 

 

Déjà croisé sur B.O BD ? Oui pour Penderecki et pour Bartok.

 

 

On peut écouter ? Le célèbre morceau d'ouverture de Carlos (le reste est également disponible sur le Tube).

 

 

Ca donne Quoi ? A l'instar de 2001 : L'Odyssée de l'espace, pour lequel il commanda à Alex North une partition complète dont il n'utilisa pas une note, Stanley Kubrick fit appel, pour Shining, au génial Wendy Carlos, avec qui il avait déjà collaboré, en 1971, sur Orange Mécanique. Le futur compositeur de Tron se trouva mieux loti que son prédécesseur, puisque deux de ses morceaux furent retenus pour la bande-son du film.

 

Le Main Title propose une relecture angoissante d'un extrait de la Symphonie fantastique de Berlioz, le Songe d'une nuit de Sabbat. Illustration d'une scène de funérailles où s'anime une troupe de monstres riante, criante et gémissante, le morceau original semble avoir été écrit pour s'accorder avec l'atmosphère de folie onirique qui flotte sur la cité de Midian. La réorchestration électronique de Wendy Carlos (on parle de "vocoderisation") apporte à l'ensemble une patine synthétique vintage qui colle elle aussi, parfaitement à l'esthétique fin 80's de Cabal.

 

Après... on n'empêchera pas les puristes d'aller jeter une oreille curieuse à la BO composée par Danny Elfman pour le film de Barker, oeuvre fort sympathique qui laisse un peu trop entendre qu'elle a été écrite juste après celle du premier Batman de Tim Burton.   

     

 

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Une chronique de Lio

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21 août 2016 7 21 /08 /août /2016 09:26

"Si vous avez choisi cet album parce que vous pensez que Blade Runner est fondé sur Androids, alors, je préfère vous le dire, vous allez être déçus."

 

Warren Ellis, préface au tome 1 de Do Androids dream of Electric Sheep ?

 

 

Après Blade Runner : A Marvel Super Special, voici le troisième opus de notre cycle "Blade Runner Blues". 

 

 

 

LA BD :

 

 


C'est quoi : DO ANDROIDS DREAM OF ELECTRIC SHEEP ?

 


C'est de qui : Tony Parker

 

 

La Couv' :

Blade Runner Blues / Do Androids Dream Of Electric Sheep ? Vs. Total Recall : Mémoires programmées

Déjà lu sur le site ? Nope

 

 

Une planche :

 

 

Ca donne Quoi ? Le comics produit par Boom ! Studios s'inscrit dans une volonté, défendue par les ayants-droits de Philip K. Dick, d'offrir au public une adaptation qui collerait enfin au roman tel qu'il fut publié en 1968 (pour ceux qui ne connaîtraient que le film de Ridley Scott, rendez-vous ici). Le moins qu'on puisse dire, c'est que Tony Parker, l'artiste engagé pour mener à bien cette lourde tâche, assure le job alors même qu'il n'avait pas lu une ligne de Do Androids Dream Of Electric Sheep ? en s'installant derrière sa table à dessin.

 

Nantie d'une nouvelle traduction, qui se veut elle aussi plus proche du verbe dickien, la bande dessinée se permet toutefois de déplacer l'intrigue vers un futur moins antérieur que ne l'était devenu le 1992 du roman. Hormis cette légère entorse temporelle, il faut bien reconnaître que Parker est parvenu à faire rentrer l'intégralité des deux-cent et quelques pages dans les six volumes de sa série avec une fidélité indéfectible à l'histoire imaginée par Dick.

 

Bel effort qui aboutit malgré tout à une oeuvre fort bavarde, un risque couru d'avance, pas forcément rédhibitoire avec un rendu visuel réussi... ce qui n'est pas une évidence ici, même si les dessins de Parker sont loin d'être ratés. Au stade de l'encrage ils offrent un rendu plutôt sympathique, quoi qu'on puisse leur reprocher un manque cruel d'originalité dans la représentation qu'ils proposent d'un San Francisco futuriste (pour le coup, le comics prend le contre-pied total du film, dont le Los Angeles arachnéen reste dans toutes les mémoires).

Le problème vient en fait principalement de l'affreuse mise en couleur numérique qui rabote l'ensemble et le ramène au niveau du tout venant des productions DC ou Marvel.

 

 

 

Au final, si Parker parvient à éviter les redondances entre ce que racontent ses images et les myriades de phylactères qui les entourent (ce qui en soit n'est déjà pas un mince effort), c'est avant tout parce qu'il raconte moins une véritable histoire, qu'il ne se contente de l'illustrer.

Un constat d'autant plus regrettable lorsqu'on jette un oeil à l'hommage que Moritat, Bill Sienkiewicz, Stefan Thanneur ou Dennis Calero rendent à Dick, dans le portfolio placé à la fin du 1er volume, et que l'on imagine l'orientation passionnante qu'aurait pu prendre ce projet d'adaptation avec l'un de ces artistes aux commandes.

 

A suivre, dans le dernier opus de notre cycle, Dust To Dust, la préquelle de Blade Runner...

 

 

 

 

LA MUSIQUE

 

 

 

 

C'est Quoi ? TOTAL RECALL : MEMOIRES PROGRAMMEES

 

 

C'est de Qui ? Harry Gregson-Williams

 

 

La couv' :

 

 

Déjà croisé sur B.O BD ? Oui, à plusieurs reprises !

 

 

On peut écouter ? Le morceau d'ouverture, un peu plus "aérien" que le reste. Les lecteurs désireux de se reporter à la BO composée par Goldsmith pour le film de Verhoeven peuvent se rendre ici

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Ca donne Quoi ? Tant qu'à parler des réadaptations douteuses de Philip K. Dick... Pas évident pour Len Wiseman - Underworld et compagnie, Die Hard 4 (ouch !) - de passer après Paul Verhoeven. Pas plus évident, pour HGW, de reprendre le flambeau synthétique fièrement brandit avant lui par Jerry Goldsmith. Avoir de l'ambition, c'est une chose, encore faut-il les épaules pour la soutenir.

 

Guère réputé pour la subtilité de ses partitions (il fut le compositeur attitré de Tony Scott depuis Spy Game jusqu'à Unstoppable), même si son travail sur Kingdom Of Heaven laissait présager d'une belle tentative de renouvellement... non transformée, Gregson-Williams fait preuve ici d'un regain d'énergie, à défaut d'une véritable originalité. Davantage qu'une "musique" de film, c'est un album de sound design dynamique qu'il livre avecTotal Recall, extrêmement efficace dans sa capacité à recréer une ambiance futuriste froide et technoïde. Un univers aseptisé pas si éloigné, au final, de celui dessiné par Tony Parker dans Androids...  

 

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Une chronique de Lio

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6 mars 2016 7 06 /03 /mars /2016 13:28

 

 

 

Lorsqu'il amasse des malles d'informations pour les besoins d'un projet (en l'occurence From Hell), Alan Moore ne se contente pas de les archiver dans son grenier. Le scénariste préfère les exploiter dans le cadre d'une série d'aventure furieusement déjantée, qui se veut un vibrant hommage au feuilletons et autres romans d'aventure populaires de la Belle Epoque. 

 

 

 

Les Trois, Quatre, Cinq, Six...Mousquetaires.

 

 

 

 

 

Le Comics :

 

 

Reprendre des personnages de la littérature fantastique du XIXème siècle aussi célèbres et divers que l'Homme Invisible, Dr Jekyll et son double maléfique Mr Hyde, Mina Harker (du Dracula) de Bram Stoker, le capitaine Nemo de Jules Verne et l’aventurier Allan Quatermain de Henry R. Haggard, pour mieux les détourner et les unir en une équipe improbable de guilde secrète au service de sa Majesté la Reine d'Angleterre, tel est le pari du vieux barbu Alan Moore.

Mais on connaît notre Sorcier/Scénariste, les personnages sans failles ne l’intéressent pas. Ainsi, Jekyll est un timide docteur se métamorphosant en monstre de 4 mètres psychopathe et incontrôlable, le capitaine Nemo est un hindou qui travaille sous la contrainte pour l'empire britannique en mettant à disposition son fantastique submersible, Quatermain est un vieil aventurier déchu, accro à la cocaïne et l'Homme Invisible met à profit son don pour assouvir ses pulsions sexuelles en toute impunité.

Seule Mina Harker, divorcée de Jonathan et clairement traumatisée, tente d'imposer une cohésion, malgré sa condition de femme sous l'ère victorienne, tout en cachant son lourd passé.
 

 


Alan Moore décrit un univers steampunk des plus réussis où espionnage, humour, action et références sexuelles se côtoient à travers des dialogues soutenus des plus croustillants, le tout porté par les traits anguleux, mais précis, d'un Kevin O'Neill s'émancipant de plus en plus de la dictature DC Comics, après un Marshall Law qui restera dans les annales.

 

Tout en rendant hommage aux "feuilletons" victoriens de la littérature populaire, Campbell et Moore créent un divertissement d'une grande richesse, plus léger que V for Vendetta ou Watchmen, mais clairement déviant et à destination des adultes...

 

 

 

 

Le "matériel" est si facilement pétrissable que le duo se reformera pour offrir de nouveaux cycles bien plus barrés avec le Black Dossier et Century, mais ceci est une autre histoire...

 

 

 

 

 

Le Film :

 

 

 

 

Hollywood a longtemps tourné autour des comics d'Alan Moore avant de les adapter pour le grand écran. Bien mal leur en a pris. En effet même s’il était probablement plus simple pour la Fox d'adapter LXG qu'un V for Vendetta ou Watchmen, ils n’en n’ont pas moins raté le coche (pour faire dans l’euphémisme).

 

En prenant le parti d'expurger toute connotation sexuelle ou ironique et de lisser les personnages (adieu les vices et les aspérités de chacun), le scénario dénature fortement une Ligue où viennent même s’ajouter un Tom Sawyer plus parlant au public américain et un Dorian Gray fort mal employé.

 

Pourtant auréolé du succès critique et public de Blade (première véritable incursion réussie de Marvel sur grand écran bien avant le Spider-Man de Raimi), Stephen Norrington subit les pressions du studio qui lui impose un scénario inepte et d'un Sean Connery cabot (crédité comme co-producteur de la "chose", ce qui explique sans doute l'importante réécriture de son personnage) qui sortira extrêmement déçu de l'aventure puisque LXG reste sa dernière apparition sur grand écran.

 

 

 

Malgré tous ces défauts et un montage chaotique, dont même un oeil peu averti décèlera aisément les coupes et raccords guères subtils, le film se révèle parfois divertissant comme pouvait l’être une série B des années 80, certains effets spéciaux et décors étant par exemple plutôt réussis. Le manque d'ambition narrative, comme l’irrespect du comics prouvent à quel point le studio n'a rien saisi de l’oeuvre originale de Moore et O'Neill, n'ayant voulu utiliser que leurs noms pour glaner quelques billets verts supplémentaires.

 

 

 

Nanar de luxe divertissant sans être ambitieux, le film peut plaire à qui n'aura pas lu le comics, les autres pourront s'en passer aisément et se rabattre sur l’intéressante série TV Penny Dreadful, sorte de LXG déguisée et bien plus dans l’esprit du comics, voir tenter de relire le cycle Century qui, avec ses références à n’en plus finir,  donnera autant de migraines que le découpage des scènes d'action de Papy Connery dans la Ligue version ciné.

 

 

La B.O :

 

 

 

Après sa participation à deux films mineurs - Crossroads, l'unique film de Britney Spears (quel dommage !) et Star de père en fille (euh...) - Trevor Jones revenait enfin à la compo d'une oeuvre potentiellement bankable, la dernière en date étant... From Hell des Frères Hughes.

Force est de reconnaître que son travail est largement plus abouti que le film qu'il prétend servir (et que, on l'a vu, sa partition pour l'adaptation sus-citée). Mais est-ce vraiment surprenant de la part de l'homme qui a écrit les musiques d'Excalibur (sauf quand c'est Wagner ou Orff), Dark Crystal, Le Dernier des Mohicans ou encore Dark City ? Puissante, ambitieuse, classique (dans le bon sens du terme), et surtout en parfaite adéquation avec l'esprit épique et aventureux de l'univers qu'elle est supposée illustrer, cette BO suit finalement une démarche radicalement opposée à celle adoptée par les producteurs de LXG. L'effort est louable et mérite largement qu'on y prête une oreille attentive (par exemple pour accompagner la lecture du comics de Moore et O'Neill), mais n'est pas suffisant pour faire oublier toutes les scories du film de Norrington surtout qu'elle y a été utilisé à fort mauvais escient. On ne change pas le plomb en or... en tout cas pas avec une simple baguette de chef d'orchestre.      

 

 

 

 

 

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Une chronique de Jet & un coup de pouce de Lio

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5 mars 2016 6 05 /03 /mars /2016 19:43

 

 

 

 

AUTOPSIE DE L'ENFER

 

 

 

 

 

 

Le Comics

 

 

 

N’y allons pas par quatre chemins, avec From Hell Alan Moore et Eddie Campbell ont crée un monstre. Vingt ans après sa parution (le comics a d’abord été publié sous formes de fascicules de 1989 à 1996)  cette évocation de l’un des plus fameux tueurs en série de l’Histoire reste probablement l’ouvrage le plus difficile et le plus complet de son scénariste pourtant connu pour avoir pondu des œuvres phares.

 

 

 

 

Ce n’est pas innocent si le sous-titre du livre est Une Autopsie de Jack L’Eventreur, Moore décortique en effet minutieusement chaque aspect de la morbide affaire mais également de tous les faits annexes qu’ils soient historiques, sociaux ou culturels. Ainsi au fil de chapitres dessinés dans un style graphique parfois aride, hachuré et en noir et blanc, dont Campbell parle comme à mi-chemin entre l’esquisse d’époque et la froide représentation d’une réalité (et que la forme classique du gaufrier de 9 cases ne rend pas plus accessible), les auteurs, qui ont opté pour la version de l’écrivain Steven Knight impliquant la famille royale et notamment le médecin personnel de sa Majesté comme coupable le plus évident, évoquent pèle-mêle les Francs Maçons, la royauté britannique, la lutte des classes, la condition de la femme, les balbutiements de la psychologie, la sexualité, le surnaturel et…quand même, Jack L’éventreur, qui, comme Moore le dit lui même, n’est pas l’intérêt principal du bouquin.

 

 

 

 

On connait le bonhomme friand de références, si ici certaines sont évidentes – outre les citations, on croise des « célébrités » de l’époque comme John « Elephant Man »Merrick ou le dandy Oscar Wilde - d’autres sont bien plus obscures et connues probablement du bonhomme seul. Si, une fois n’est pas coutume, elles ne gênent pas la lecture, on ne peut manquer de se demander si l’on ne passe – peut-être - pas à côté de quelque chose.

 

Il faudra donc au lecteur  persévérant une bonne dose d’abnégation  pour aller au bout des quasi 500 pages de ce monument de la littérature graphique (oh, oh !) aux ramifications vertigineuses et aux graphismes intransigeants voire austères, mais complémentaires en tout point du propos d’un scénariste qui se livre là à un tour de force rarement égalé dans le médium et qui reste une des créations dont il est le plus satisfait.

 

 

 

Le Film

 

 

 

 

N’y allons pas par quatre chemins, le From Hell des frères Hughes est une purge. Une série B d’épouvante peu inspirée et tellement loin de son matériau d’origine que l’on se demande comment on pourrait même rapprocher les deux. En fait non, on ne se le demande pas, les réalisateurs nous donnent eux même l’explication en interview (que l’on peut retrouver sur les versions DVD du film).

 

Le studio (Disney !) refile aux frangins, responsables à l'époque d’un très hype Menace To Society, le scénario d’un duo d’auteurs n’ayant probablement pas lu le comics de Moore, en leur demandant de mettre en scène cette bio de Jack L’éventreur. Bien entendu, personne à ce moment là ne compte se frapper un comics griffonné au stylo bic de la taille du bottin de l’Illinois, et donc, et je cite l’un des frères Hughes, ils ont techniquement repris le titre, la théorie du docteur de la Reine (qui, pour le coup n’est même pas de Moore) et … c’est tout !

 

Alors, plus loin dans l’interview (qui est édifiante d’hypocrisie mal dissimulée), réalisant qu’ils se sont tirés une balle dans le pied d’entrée de jeu, les réals tentent de redonner un soupçon de légitimité à  leur ratage en faisant l’éloge du bouquin, comme quoi tout le monde sur le plateau avait son exemplaire du comics (chose qui aurait pu –si toutefois elle avait été vraie- être fort amusante vu le poids de la bête) et qu’ils s’y référaient sans cesse. En guise de référence, on notera surtout une paresse intellectuelle qui consistera à re-pomper pas mal des cadrages de Campbell que les frères Hughes auront en plus la terrible idée de colorer façon films de la Hammer, à savoir dans des rouges sanguinolants criards et autres effets de style pompeux.

 

    

 

 

Sans s’appesantir trop sur les innombrables différences entre les deux œuvres, on notera la refonte du personnage de l’inspecteur Abberline, protagoniste quasi secondaire dans le comics (il ne doit pas y apparaitre avant une bonne cinquantaine de pages), devenu « star of the show » dans le film, opiomane avéré, pseudo Sherlock Holmes et voyant à ses heures (un mix de plusieurs personnages du livre en fait) sous les traits d’un Johnny Depp peu convaincu (dont Moore critiquera même le look arguant qu’à l’époque un policier avec une coupe de cheveux pareille  se serait vraisemblablement fait passer à tabac par ses collègues).

 

 

Face à lui une Mary Kelly glamour dont il va tomber amoureux (ah mais je vous avais dit que c’était du grand art !) jouée par Heather Graham, sensation éphémère à l’époque et assez mauvaise actrice.

L’identité du tueur, révélée d’emblée dans le livre et « devinée » par notre détective surnaturel dans la péloche…bref, j’en passe et des meilleures.

Pour terminer cet hallali, on notera que le plus gros désaccord des frère Hughes porte sur un plan de la plus haute importance pour le scénario, qui ne sera d’ailleurs pas dans le montage final, à savoir :

 

Tout est dit !

 

From Hell version Hollywood, et ce en grande partie à cause du producteur Don Murphy, caricature du requin de studios et ex « ami » de Moore, sonnera le glas des relations du scénariste avec le monde du cinéma, et, au regard des adaptations qui suivront, on ne pourra hélas que lui donner raison.

 

 

 

 

La B.O :

 

 

 

 

En 1992, alors que pourtant il coécrivait le score de Dernier des Mohicans (et trois autres navets tout seul), Trevor Jones a-t-il été frustré de ne pas pouvoir mettre en musique le flamboyant Dracula de Coppola ?

Non, mais on est en mesure de se poser la question quand on entend les analogies entre le B.O de From Hell et le tour de force de Wojciech Kilar. Les compositions gothiques lugubres qu’il a livrées aux Frères Hughes et qui mettent en avant des cordes bouillonnantes, notamment les violoncelles, au détriment des cuivres (à de rares exceptions près), des montées en puissance sourdes jusqu’à des paroxysmes d’angoisse portés par des chœurs profonds d’un grand ensemble vocal sonnent clairement parfois comme un lointain cousin du sus cité score.

Néanmoins, l’ajout de l’électronique, de sons effrayants et d’éléments de musique chinoise sort la B.O de Jones du simple hommage appliqué et rappelle certaines pistes du très bon Dark City.

Au final Jones se fend d’une musique d’épouvante bien écrite, à l’efficacité indéniable, mais assez peu originale et qui rajoute à l’atmosphère de film lambda de cette piètre adaptation d’un comics qui a marqué le médium.

 

 

 

 

 

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Une chronique par Fab

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