11 avril 2016 1 11 /04 /avril /2016 10:33

 

 

 

 

 

Retrouvez, après la chronique, l’interview « Musique et BD » de Stéphane Fert le dessinateur de Morgane.

 

 

 

 

LA BD:

 

 


C'est quoi : MORGANE

 


C'est de qui ?  Simon Kansar & Stéphane Fert

 

 

La Couv':

 

 

La Reine Morgane!  /  Morgane  Vs.  Excalibur

 

 

Déjà lu chez nous?  Non

 

 

C’est édité chez qui ?  Delcourt

 

 

Une  planche:

 

 

Ca donne Quoi ? Je ne vous ferai pas l’affront de vous expliquer qui est Morgane, souvent surnomée « La Fée », fille de Gorlois et Ygraine de Tintagel et, surtout, demi-sœur d’Arthur, roi de son état. En effet les récits de la Table Ronde sont foison et ont été maintes fois adaptés que ce soit en littérature, en BD et sur les écrans, petit et grand. Morgane en est un personnage clé, ne serait-ce parce que, par l’intermédiaire de son fils Mordred, qu’elle a eu avec son propre frère (le roi sus-cité pour ceux qui ont déjà décroché), elle précipitera la chute du royaume dans le chaos.

 

D’aussi loin que je me souvienne, ma passion pour la légende arthuréenne date quasiment de l’âge où j’ai su lire, avec la découverte de L’Epée dans le roc, de T.H. White, dans la Bibliothèque Verte de mon frère ainé. Dans la décennie qui a suivi j’ai lu plus d'une dizaine d’œuvres portant sur le sujet, des classiques de Chétien de Troyes ou Malory jusqu’à la version plus fantaisiste et féminine de Zimmer Bradley, les Dames D’avalon.

 

 

Autant dire que quand j’ai la chance de découvrir une relecture aussi réussie que cette Morgane, je ne peux qu’être conquis. En effet, si l’on retrouve des éléments qu’on a pu voir par exemple dans Excalibur de Boorman (la conception d’Arthur par les subterfuges de Merlin), Simon Kansara apporte sa pierre à l’édifice en l’enrichissant d’interprétations personnelles aussi originales que bienvenues.

 

 

Mais à mon avis le véritable point fort de cet album, c’est sa partie graphique. Nouveau venu dans le média, Stéphan Fert (qui co-signe également le scénario!), avec son style hybride entre l’illustration jeunesse, le trait rond parfois exagéré aux influences multiples et les références picturales (Klimt en tête, mais aussi la Belle au Bois Dormant de Disney, voire même le manga), le tout dans une colo admirable,  livre un travail magnifique et inspiré à la sensualité à fleur de page, qui donne à Morgane une vraie personnalité et une originalité manifeste.

 

 

 

 

 

 

LA MUSIQUE

 

 

 

C'est Quoi ? EXCALIBUR

 

 

C'est de Qui ?  Trevor Jones

 

 

La couv' 

 

 

Déjà entendu chez nous? Oui, pas mal  de fois.

 

 

On peut écouter? En entier même:

 

 

 

 

 

Ca donne Quoi ? Je crois qu’on peut affirmer que pour un premier grand film à mettre en musique, Trevor Jones s’en est sorti haut la main, réalisant probablement son meilleur boulot pour le grand écran (oui, devant Dark City et le Dernier des Mohicans, pourtant très réussis).

Au milieu d’extraits d’oeuvres de Orff (l’incontournable O Fortuna de Carmina Burana) et de Wagner  (tirés du Gotterdammerung et de Tristan und Isolde )voulus par le réal dés le début du tournage, la partition de Jones, avec son mélange improbable d’expérimentations avant-gardistes, de chœurs féminins éthérés et de folklore médiéval, ne démérite pas un instant. J’irais même jusqu’à affirmer que le choix de pièces classiques bien trop connues ne sert pas le propos du film et que la musique de Jones aurait tout à fait suffit tant elle remplit bien son office. Malgré ses 35 ans d’âge, et surtout son époque (le début des années 80) elle n’a absolument rien perdu de sa puissance d’évocation que ce soit dans le domaine de l’épique comme du romantisme lyrique, le tout sans sonner daté un seul instant.

Morgane ne méritait rien de moins qu’une excellente B.O de genre : c’est chose faite !

 

 

 

----------------------

 

 

 

Bonjour Stéphane et merci d’avoir accepté de te prêter au jeu du questionnaire croisé B.O/BD.

 

 

Commençons par un classique :

 

 

Tes Cinq Cd de chevet ?

 

 

Alors je dirais

  • Illusions, de Ibrahim Maalouf ( un mec que je veux épouser plus tard) ,
  • Handmade de Hindi Zahra ( une fille que je veux épouser plus tard ),
  • une compilation de Jacques Brel ( non bah lui c’est mort … ),
  • Nightcall de Kavinsky et j’ai craqué mais … je suis à fond sur le dernier album de
  • Adèle.

       Mea culpa. ( dire que je n’écoutais que du métal il y a 10 ans … qu’est-ce qui s’est passé ?! ) 

 

 

 

 

 

Et tes Albums de Bd ?

 

 

Oula … que 5 ? C’est dur !

  • Nimona de Stevenson ( simple et génial de fraîcheur ),
  • Tu mourras moins bête de Marion Montaigne  ( le truc le plus drôle du moment ),
  • Billy Bat de Urasawa ( qui se perd complètement dans son scénario … mais c’est si bon),
  • Les variations d’Orsay de Fior ( pure merveille dessinatoire ) et puis
  • Bones que j’ai découvert récemment.

 

 

 

 

 

Les influences et les goûts :

 

 

Une musique de film qui t’a marqué, que tu affectionnes particulièrement (indépendamment du film) ?

 

 

Si je voulais dire un truc stupide mais vrai je dirais la B.O de Rocky, mais une autre qui m’a vraiment marquée au fer rouge, c’est la B.O de Ghost in the Shell.

Ce mélange de chants étranges, de musique traditionnelle et de sons de machines… du pur genie qui fait pleurer.  

 

 

 

 

 

Qui sont tes maîtres à penser en BD, ceux qui t’ont donné envie d’en faire, quelles sont tes influences ?

 

 

 

 Gamin j’ai très longtemps scotché sur la Caste des méta-barons de Gimenez et Jodorowsky, sur Bilal, Moebius et puis Joan Sfar ou Manu Larcenet plus tard. J’ai beaucoup lu de comics plus jeune, mais ça m’a quitté et je n’ai pas retenu de noms d’auteurs.

Et puis, en fait, j’ai surtout mangé du manga : Otomo, Matsumoto, Urasawa, Oda ( beaucoup Oda ), Miyazaki, Samura …

Je sais pas si ce sont des maîtres à penser ou si cela m’a influencé, mais donné envie de faire de la BD, oui.

 

 

 

 

 

Ton travail :

 

 

Ecoutes tu de la musique quand tu écris/dessine, et plutôt quoi ?

 

 

Quand j’écris, non, impossible. Quand je dessine, un peu de tout. J’aime bien trouver une musique qui colle à mon dessin du moment, ce qui me pousse parfois à écouter des trucs improbables.

Pour Morgane, par exemple, j’ai écouté de la musique bretonne traditionnelle à des moments, et puis du Bjork à d’autres, pour le thème de la nature et de la sorcellerie.

Simon, mon co-scénariste, m’a aussi fait découvrir Jed et l’album  Merlin’s songs. Un truc complètement bizarre fait par des hippies celtes sur le Graal : du bonheur en barre.  

 

 

 

 

 

 

Ce sur quoi tu travaille actuellement, tes prochains projets (si tu as la liberté de les évoquer bien sur) ?

 

 

Je travaille sur un projet qui s’approprie les contes et légendes des montagnes des Pyrénées, notamment la légende de Jean de l’ours. Ce n’est pas signé, c’est en cours. L’idée est encore de mêler tradition et modernité en parlant de la nature, la violence, la morale, la sexualité…

 

 

 

Et si…

 

 

 

…en lieu et place de la Bande Dessinée tu avais fait de la musique tu aurais été qui, tu aurais joué quoi ?

 

 

J’aurais été un des types de Metallica ( le guitariste ou le chanteur ). J’étais complètement fan étant petit ( j’écoute encore ) et j’ai parfaitement en mémoire d’avoir regardé en boucle un live d’eux à Moscou complètement dément. La foule en délire, c’est un truc qui dois être sympa à vivre… enfin juste une fois, parce que ça a lait fatiguant aussi tout ce bruit.

 

 

Encore un grand merci pour tes réponses, et au plaisir de te retrouver dans les pages de Bandes Originales Pour Bandes Dessinées !

 

 

     Merci à toi !

Repost0
25 mars 2016 5 25 /03 /mars /2016 08:40

 

 

 

LA BD:

 

 


C'est quoi : THE WOODS

 


C'est de qui : James Tynion IV, Michael Dialynas

 

 

La Couv':

 

 

Déjà lus sur le site? Non

 

 

C’est édité chez qui ? Ankama

 

 

Une planche:

 

 

 

Ca donne Quoi ? Il faut clairement aimer le mélange des genres fantasques pour rentrer dans ce généreux tome 1 de The Woods qui, à l'instar de pas mal de séries TV actuelles, ne perd pas de temps pour poser son intrigue. Tout va en effet très vite dans çe scenario catastrophe où tout un lycée américain (et ses occupants avec son cortège  de personnages attendus, de l'équipe de football aux divers groupes de marginaux) est téléporté sur une autre planète, au milieu d'une forêt peu avenante. Un groupe d'ados se fait la malle afin d'en apprendre plus et va vite se retrouver confronté à d'horribles créatures et autres guerriers qui semblent tout droit sortis du Seigneur des Anneaux.

Vous l'aurez compris, The Woods est un mix parfois étouffant de choses vues ou lues ailleurs, qui a pour lui une narration sans temps morts (chacune des 8 parties ou presque finit par un cliffhanger tendu) mais dont la partie graphique souvent approximative reste très en deçà. 

 

 

 

 

LA MUSIQUE

 

 

C'est Quoi ? L’ENJEU

 

 

C'est de Qui ? Trevor Jones

 

 

La couv' 

 

 

Déjà croisé chez nous? Oui, il y a encore peu de temps d’ailleurs.

 

 

On peut écouter?

 

 

 

 

Ca donne Quoi ? Tout comme le scénariste de The Woods, Barbet Schroeder, que l’on avait connu pourtant plus inspiré, pense que l’on peut construire une intrigue sur une course poursuite. Bien mal lui en prend dans le cas de ce long métrage vite fatiguant qui accumule clichés, invraisemblances e autres cabotinages d’acteurs.

Respectant semble t-il le cahier des charges, Trevor Jones lâche la bride à son orchestre, les cuivres notamment s’en donnent à cœur joie et rivalisent de fureur avec les percussions. Dans le genre on a rarement fait plus efficace et adapté à un scénario haute tension, mais les limites sont tout de même vite atteintes ? Jones, en oubliant trop souvent de laisser ses compositions respirer étouffe son auditeur, rendant par la même sa B.O difficilement supportable sur la longueur et surtout à l’écoute seule.

Après, vu le comics qu’elle a accompagné, on ne lui reprochera pas la débauche d’effets tous azimuts, bien au contraire.

 

 

------------------------

 

Une chronique par Fab

Repost0
6 mars 2016 7 06 /03 /mars /2016 13:28

 

 

 

Lorsqu'il amasse des malles d'informations pour les besoins d'un projet (en l'occurence From Hell), Alan Moore ne se contente pas de les archiver dans son grenier. Le scénariste préfère les exploiter dans le cadre d'une série d'aventure furieusement déjantée, qui se veut un vibrant hommage au feuilletons et autres romans d'aventure populaires de la Belle Epoque. 

 

 

 

Les Trois, Quatre, Cinq, Six...Mousquetaires.

 

 

 

 

 

Le Comics :

 

 

Reprendre des personnages de la littérature fantastique du XIXème siècle aussi célèbres et divers que l'Homme Invisible, Dr Jekyll et son double maléfique Mr Hyde, Mina Harker (du Dracula) de Bram Stoker, le capitaine Nemo de Jules Verne et l’aventurier Allan Quatermain de Henry R. Haggard, pour mieux les détourner et les unir en une équipe improbable de guilde secrète au service de sa Majesté la Reine d'Angleterre, tel est le pari du vieux barbu Alan Moore.

Mais on connaît notre Sorcier/Scénariste, les personnages sans failles ne l’intéressent pas. Ainsi, Jekyll est un timide docteur se métamorphosant en monstre de 4 mètres psychopathe et incontrôlable, le capitaine Nemo est un hindou qui travaille sous la contrainte pour l'empire britannique en mettant à disposition son fantastique submersible, Quatermain est un vieil aventurier déchu, accro à la cocaïne et l'Homme Invisible met à profit son don pour assouvir ses pulsions sexuelles en toute impunité.

Seule Mina Harker, divorcée de Jonathan et clairement traumatisée, tente d'imposer une cohésion, malgré sa condition de femme sous l'ère victorienne, tout en cachant son lourd passé.
 

 


Alan Moore décrit un univers steampunk des plus réussis où espionnage, humour, action et références sexuelles se côtoient à travers des dialogues soutenus des plus croustillants, le tout porté par les traits anguleux, mais précis, d'un Kevin O'Neill s'émancipant de plus en plus de la dictature DC Comics, après un Marshall Law qui restera dans les annales.

 

Tout en rendant hommage aux "feuilletons" victoriens de la littérature populaire, Campbell et Moore créent un divertissement d'une grande richesse, plus léger que V for Vendetta ou Watchmen, mais clairement déviant et à destination des adultes...

 

 

 

 

Le "matériel" est si facilement pétrissable que le duo se reformera pour offrir de nouveaux cycles bien plus barrés avec le Black Dossier et Century, mais ceci est une autre histoire...

 

 

 

 

 

Le Film :

 

 

 

 

Hollywood a longtemps tourné autour des comics d'Alan Moore avant de les adapter pour le grand écran. Bien mal leur en a pris. En effet même s’il était probablement plus simple pour la Fox d'adapter LXG qu'un V for Vendetta ou Watchmen, ils n’en n’ont pas moins raté le coche (pour faire dans l’euphémisme).

 

En prenant le parti d'expurger toute connotation sexuelle ou ironique et de lisser les personnages (adieu les vices et les aspérités de chacun), le scénario dénature fortement une Ligue où viennent même s’ajouter un Tom Sawyer plus parlant au public américain et un Dorian Gray fort mal employé.

 

Pourtant auréolé du succès critique et public de Blade (première véritable incursion réussie de Marvel sur grand écran bien avant le Spider-Man de Raimi), Stephen Norrington subit les pressions du studio qui lui impose un scénario inepte et d'un Sean Connery cabot (crédité comme co-producteur de la "chose", ce qui explique sans doute l'importante réécriture de son personnage) qui sortira extrêmement déçu de l'aventure puisque LXG reste sa dernière apparition sur grand écran.

 

 

 

Malgré tous ces défauts et un montage chaotique, dont même un oeil peu averti décèlera aisément les coupes et raccords guères subtils, le film se révèle parfois divertissant comme pouvait l’être une série B des années 80, certains effets spéciaux et décors étant par exemple plutôt réussis. Le manque d'ambition narrative, comme l’irrespect du comics prouvent à quel point le studio n'a rien saisi de l’oeuvre originale de Moore et O'Neill, n'ayant voulu utiliser que leurs noms pour glaner quelques billets verts supplémentaires.

 

 

 

Nanar de luxe divertissant sans être ambitieux, le film peut plaire à qui n'aura pas lu le comics, les autres pourront s'en passer aisément et se rabattre sur l’intéressante série TV Penny Dreadful, sorte de LXG déguisée et bien plus dans l’esprit du comics, voir tenter de relire le cycle Century qui, avec ses références à n’en plus finir,  donnera autant de migraines que le découpage des scènes d'action de Papy Connery dans la Ligue version ciné.

 

 

La B.O :

 

 

 

Après sa participation à deux films mineurs - Crossroads, l'unique film de Britney Spears (quel dommage !) et Star de père en fille (euh...) - Trevor Jones revenait enfin à la compo d'une oeuvre potentiellement bankable, la dernière en date étant... From Hell des Frères Hughes.

Force est de reconnaître que son travail est largement plus abouti que le film qu'il prétend servir (et que, on l'a vu, sa partition pour l'adaptation sus-citée). Mais est-ce vraiment surprenant de la part de l'homme qui a écrit les musiques d'Excalibur (sauf quand c'est Wagner ou Orff), Dark Crystal, Le Dernier des Mohicans ou encore Dark City ? Puissante, ambitieuse, classique (dans le bon sens du terme), et surtout en parfaite adéquation avec l'esprit épique et aventureux de l'univers qu'elle est supposée illustrer, cette BO suit finalement une démarche radicalement opposée à celle adoptée par les producteurs de LXG. L'effort est louable et mérite largement qu'on y prête une oreille attentive (par exemple pour accompagner la lecture du comics de Moore et O'Neill), mais n'est pas suffisant pour faire oublier toutes les scories du film de Norrington surtout qu'elle y a été utilisé à fort mauvais escient. On ne change pas le plomb en or... en tout cas pas avec une simple baguette de chef d'orchestre.      

 

 

 

 

 

------------------------------

 

 

Une chronique de Jet & un coup de pouce de Lio

Repost0
5 mars 2016 6 05 /03 /mars /2016 19:43

 

 

 

 

AUTOPSIE DE L'ENFER

 

 

 

 

 

 

Le Comics

 

 

 

N’y allons pas par quatre chemins, avec From Hell Alan Moore et Eddie Campbell ont crée un monstre. Vingt ans après sa parution (le comics a d’abord été publié sous formes de fascicules de 1989 à 1996)  cette évocation de l’un des plus fameux tueurs en série de l’Histoire reste probablement l’ouvrage le plus difficile et le plus complet de son scénariste pourtant connu pour avoir pondu des œuvres phares.

 

 

 

 

Ce n’est pas innocent si le sous-titre du livre est Une Autopsie de Jack L’Eventreur, Moore décortique en effet minutieusement chaque aspect de la morbide affaire mais également de tous les faits annexes qu’ils soient historiques, sociaux ou culturels. Ainsi au fil de chapitres dessinés dans un style graphique parfois aride, hachuré et en noir et blanc, dont Campbell parle comme à mi-chemin entre l’esquisse d’époque et la froide représentation d’une réalité (et que la forme classique du gaufrier de 9 cases ne rend pas plus accessible), les auteurs, qui ont opté pour la version de l’écrivain Steven Knight impliquant la famille royale et notamment le médecin personnel de sa Majesté comme coupable le plus évident, évoquent pèle-mêle les Francs Maçons, la royauté britannique, la lutte des classes, la condition de la femme, les balbutiements de la psychologie, la sexualité, le surnaturel et…quand même, Jack L’éventreur, qui, comme Moore le dit lui même, n’est pas l’intérêt principal du bouquin.

 

 

 

 

On connait le bonhomme friand de références, si ici certaines sont évidentes – outre les citations, on croise des « célébrités » de l’époque comme John « Elephant Man »Merrick ou le dandy Oscar Wilde - d’autres sont bien plus obscures et connues probablement du bonhomme seul. Si, une fois n’est pas coutume, elles ne gênent pas la lecture, on ne peut manquer de se demander si l’on ne passe – peut-être - pas à côté de quelque chose.

 

Il faudra donc au lecteur  persévérant une bonne dose d’abnégation  pour aller au bout des quasi 500 pages de ce monument de la littérature graphique (oh, oh !) aux ramifications vertigineuses et aux graphismes intransigeants voire austères, mais complémentaires en tout point du propos d’un scénariste qui se livre là à un tour de force rarement égalé dans le médium et qui reste une des créations dont il est le plus satisfait.

 

 

 

Le Film

 

 

 

 

N’y allons pas par quatre chemins, le From Hell des frères Hughes est une purge. Une série B d’épouvante peu inspirée et tellement loin de son matériau d’origine que l’on se demande comment on pourrait même rapprocher les deux. En fait non, on ne se le demande pas, les réalisateurs nous donnent eux même l’explication en interview (que l’on peut retrouver sur les versions DVD du film).

 

Le studio (Disney !) refile aux frangins, responsables à l'époque d’un très hype Menace To Society, le scénario d’un duo d’auteurs n’ayant probablement pas lu le comics de Moore, en leur demandant de mettre en scène cette bio de Jack L’éventreur. Bien entendu, personne à ce moment là ne compte se frapper un comics griffonné au stylo bic de la taille du bottin de l’Illinois, et donc, et je cite l’un des frères Hughes, ils ont techniquement repris le titre, la théorie du docteur de la Reine (qui, pour le coup n’est même pas de Moore) et … c’est tout !

 

Alors, plus loin dans l’interview (qui est édifiante d’hypocrisie mal dissimulée), réalisant qu’ils se sont tirés une balle dans le pied d’entrée de jeu, les réals tentent de redonner un soupçon de légitimité à  leur ratage en faisant l’éloge du bouquin, comme quoi tout le monde sur le plateau avait son exemplaire du comics (chose qui aurait pu –si toutefois elle avait été vraie- être fort amusante vu le poids de la bête) et qu’ils s’y référaient sans cesse. En guise de référence, on notera surtout une paresse intellectuelle qui consistera à re-pomper pas mal des cadrages de Campbell que les frères Hughes auront en plus la terrible idée de colorer façon films de la Hammer, à savoir dans des rouges sanguinolants criards et autres effets de style pompeux.

 

    

 

 

Sans s’appesantir trop sur les innombrables différences entre les deux œuvres, on notera la refonte du personnage de l’inspecteur Abberline, protagoniste quasi secondaire dans le comics (il ne doit pas y apparaitre avant une bonne cinquantaine de pages), devenu « star of the show » dans le film, opiomane avéré, pseudo Sherlock Holmes et voyant à ses heures (un mix de plusieurs personnages du livre en fait) sous les traits d’un Johnny Depp peu convaincu (dont Moore critiquera même le look arguant qu’à l’époque un policier avec une coupe de cheveux pareille  se serait vraisemblablement fait passer à tabac par ses collègues).

 

 

Face à lui une Mary Kelly glamour dont il va tomber amoureux (ah mais je vous avais dit que c’était du grand art !) jouée par Heather Graham, sensation éphémère à l’époque et assez mauvaise actrice.

L’identité du tueur, révélée d’emblée dans le livre et « devinée » par notre détective surnaturel dans la péloche…bref, j’en passe et des meilleures.

Pour terminer cet hallali, on notera que le plus gros désaccord des frère Hughes porte sur un plan de la plus haute importance pour le scénario, qui ne sera d’ailleurs pas dans le montage final, à savoir :

 

Tout est dit !

 

From Hell version Hollywood, et ce en grande partie à cause du producteur Don Murphy, caricature du requin de studios et ex « ami » de Moore, sonnera le glas des relations du scénariste avec le monde du cinéma, et, au regard des adaptations qui suivront, on ne pourra hélas que lui donner raison.

 

 

 

 

La B.O :

 

 

 

 

En 1992, alors que pourtant il coécrivait le score de Dernier des Mohicans (et trois autres navets tout seul), Trevor Jones a-t-il été frustré de ne pas pouvoir mettre en musique le flamboyant Dracula de Coppola ?

Non, mais on est en mesure de se poser la question quand on entend les analogies entre le B.O de From Hell et le tour de force de Wojciech Kilar. Les compositions gothiques lugubres qu’il a livrées aux Frères Hughes et qui mettent en avant des cordes bouillonnantes, notamment les violoncelles, au détriment des cuivres (à de rares exceptions près), des montées en puissance sourdes jusqu’à des paroxysmes d’angoisse portés par des chœurs profonds d’un grand ensemble vocal sonnent clairement parfois comme un lointain cousin du sus cité score.

Néanmoins, l’ajout de l’électronique, de sons effrayants et d’éléments de musique chinoise sort la B.O de Jones du simple hommage appliqué et rappelle certaines pistes du très bon Dark City.

Au final Jones se fend d’une musique d’épouvante bien écrite, à l’efficacité indéniable, mais assez peu originale et qui rajoute à l’atmosphère de film lambda de cette piètre adaptation d’un comics qui a marqué le médium.

 

 

 

 

 

---------------------

 

Une chronique par Fab

Repost0

Présentation

  • : Conseils d'écoutes musicales pour Bandes Dessinées
  • Conseils d'écoutes musicales pour Bandes Dessinées
  • : "...ces illustrations sonores. On apprend toujours quelque chose avec elles. Y compris sur des œuvres qu'on a soi-même écrites." Serge Lehman. (La Brigade Chimérique, Metropolis, L'Homme Truqué)
  • Contact

Rechercher

Tags