1 août 2019 4 01 /08 /août /2019 09:38

 

Intégrale 3 = L'Enfant penchée, Mary la penchée, L'affaire Desombres, L'Écho Des Cités, L'Ombre d'un Homme  

 

 

 

C'est quoi : LES CITES OBSCURES

 

C'est de qui ? François Schuiten (dessinateur) et Benoît Peeters (scénariste)

 

1 – L'ENFANT PENCHEE (1996)

 

La Couv':

 

Ça donne Quoi ? C'est l'histoire intrigante de la jeune Mary von Rathen, fille du président du consortium de Mylos, qui se retrouve penchée suite à un incident lors d'un tour dans une attraction d'Alaxis en 747 (du calendrier obscur). Au même moment, une équipe de savants du mont Michelson découvre une curieuse anomalie dans le ciel qu'ils vont attribuer à la présence d'une "planète occulte" à la gravité si forte qu'elle attire la lumière… et sans doute Mary.

 

Parallèlement à ce récit, le lecteur découvre le peintre Augustin Desombres sur les hauts plateaux de l'Aubrac en 1898 (de notre calendrier). Augustin découvre une maison qui l'attire irrésistiblement et dont il va faire son oeuvre majeure… ou plutôt il va obéir a maison qui lui impose certaines visions.

 

 

 

Les 2 récits vont s'entrecroiser jusqu'à la rencontre amoureuse de Mary et d'Augustin dans le monde obscur. Pour Augustin, le passage s'est fait à partir de la maison de l'Aubrac via ses fresques. Pour Mary, c'est un long périple de 4 ans pendant lequel elle s'est enfuie d'un pensionnat, a rejoint un cirque et, enfin, est partie avec Axel Wappendorf (qu'elle a cherché grâce à Stanislas Sainclair) dans un obus géant vers la planète occulte.

 

Mais, poussé par Axel, Augustin repart et y gagne une main striée. Il répare la sphère cassée de ses fresques… et brise ainsi le lien des 2 mondes (suivant en cela le conseil de Jules Verne qui pense que le temps n'est pas encore venu pour que les deux univers se côtoient vraiment.

 

 

 

 

Mon 2e album préféré de la série. L'histoire de Mary (partie dessinée) et d'Augustin (partie mêlant photos et dessins) est particulièrement bien conçue pour que le lecteur ne lève pas le nez du livre une fois ouvert.

 

Comme dans toute la série, les dessins de Schuiten sont admirables pour leur finesse et leur précision dignes des grands graveurs des siècles passés. Nous retrouverons Mary von Rathen ou Axel Wappendorf dans  d'autres livres de la série soit intervenant directement dans l'action, soit évoqués dans L'Écho des cités ou Le guide des cités.

 

Peeters a écrit une histoire implacable où les mésaventures de Mary m'évoquent certains romans du XIXe très sombres dans le passage à l'orphelinat avec les maltraitances qu'elle y subit de ses professeurs et des pensionnaires (j'ai pensé à Dickens ou aux sœurs Brontë). L'utilisation de Jules Verne en deus ex machina est à la fois amusante et intéressante… Et si le monde obscur n'était qu'une création du cerveau fertile de l'écrivain??

 

Le choix d'un roman-photo pour la partie située dans notre monde est déstabilisant au début dans un album de bande dessinée, mais cela permet un contraste fort. Augustin Desombres a le profil parfait du peintre maudit. C'est aussi un personnage totalement romantique (au sens basique) avec cette obsession qui le dévore et lui fait écouter la maison. Il est maudit parce qu'il va briser son bonheur et son amour lui-même en respectant la demande d'Axel.

 

 

Mary est le premier personnage féminin central d'un album de la série. Sophie, Milena, Hella et même Tina sont membres des duos dont leurs partenaires masculins (Eugen Robick, Giovanni Battista, Ferdinand Robur Hattéras ou Constant Abeels) sont les héros de base. La présence d'Axel Wappendorf, un personnage redondant de la série, permet d'expliquer l'état de Mary… même s'il n'est pas toujours très performant avec ses inventions! Comme elle le dit elle-même à un moment : "J'ai jamais eu de chance, moi. Déjà que j'étais rousse!"

 

On peut noter que la différence de Mary qui l'a fait rejeter partout où elle passe ne pose aucun problèmes aux pensionnaires du cirque, des freaks comme on disait. Il y a Tharcissius, un homme loup, Pierre et Dany, les deux têtes sur un seul corps, Madame Ailée, une femme de grand volume.

 

Bien sûr, je n'oublie pas la découverte de nouvelles villes du monde obscur au cours des pérégrinations des personnages : Alaxis avec ses palais et gondoles et le parc de Cosmopolis, Mylos l'industrielle avec ses fumées d'usines (mais déjà évoquée dans La route d'Armilia), Sodrovni avec ses monuments rappelant notre Russie, Porrentruy la moyenâgeuse, Brüsel en pleins travaux et enfin le lac Vert avec ses colonnades antiques.

 

Je voudrais aussi évoquer un personnage que j'ai aimé et qui apparaît peu dans les divers articles sur la série : c'est le père de Mary, Klaus. Bien que patron du consortium de Mylos, il va tout lâcher pour retrouver sa fille qu'il a reconnue dans un article du journal sur Laetitia la désaxée. L'amour qu'il porte à sa fille m'a évoqué une phrase du film Jumanji quand un personnage parle du père du héros : "Je crois que jamais un père n'a aimé son fils comme lui." (Je cite de mémoire, ne m'en voulez pas si ce ne sont pas les termes exacts).

 

Un album important et charnière de la série selon moi.

 

 

2 – MARY LA PENCHEE (1995)

 

La Couv': 

 

 

 

Ça donne Quoi ? C'est un album jeunesse en format à l'italienne avec des longs textes accompagnés d'illustrations. Il a été republié dans La route d'Armilia et autres légendes du Monde Obscur.

 

Le fait que l'aventure de Mary soit présenté comme une légende explique les différences constatées aves l'album cité précédemment. Ici Mary se réveille penchée un beau matin sans autre explication et elle parle différemment, "penché" dit son frère. Les problèmes au pensionnat et la fuite pour aboutir au cirque Robertson sont présents.

 

 

Mais ici, elle est présentée comme Mary la penchée et Monsieur Raoul, le petit singe, la suit quand elle s'en va. Mary va descendre sous terre de plus en plus loin jusqu'à ce qu'elle trouve la planète bleue de ses rêves où elle rencontre sa nouvelle famille. Tous y ont les yeux bleus et parlent "penché" comme elle.

 

Le vrai plaisir de cet album est de retrouver Mary avec des graphismes joyeux et colorés. Les différences entre l'histoire originale et celle-ci sont nombreuses… mais un conte pour enfants peut-il parler des relations entre les deux mondes quand tant d'adultes n'y comprennent rien?

 

L'histoire d'amour entre Mary et Augustin a complètement disparue ici… sans doute pour ne pas choquer les "âmes sensibles".

 

 

3 – L'AFFAIRE DESOMBRES (2002)

 

La Couv': 

 

 

 

 

Ça donne Quoi ?

Ce n'est pas à proprement parler un album de BD puisque cela présente la biographie d'Augustin Desombres et des photographies de son journal et de quelques-unes de ses œuvres. Ce tome est accompagné d'un DVD qui contient plusieurs films tous aussi passionnants les uns que les autres.

 

 

 

L'affaire Desombres : c'est une conférence de Catherine Aymerie sur la vie du peintre qui ne cache aucun des doutes que l'on peut avoir à son sujet. Était-il visionnaire et avait réellement trouvé un passage vers un autre monde ou était-il complètement fou?

 

À travers les cités obscures : ce sont des diaporamas composés d'images issues des albums et accompagnés par la transcription des musiques notées par le peintre. Transcription faite par Bruno Letort pour un groupe musical composé d'un quatuor à cordes + une clarinette + une basse électrique. Il y a Alaxis, Urbicande, Brüsel et Mary.

 

Naissance d'une planche : petit film passionnant montrant comment les 2 auteurs collaborent pour aboutir à la création d'une planche. Ici c'est la planche 14 de l'album L'ombre d'un homme qui est disséquée.

 

Rêves de pierre : création musicale de Bruno Letort.

 

 

Difficile de rendre par un texte des films, mais je dois avouer que je ne l'avais pas vu depuis fort longtemps et que j'ai découvert plein de choses au revisionnage. De quoi prouver qu'un film permet d'avoir une autre vue sur une œuvre que la lecture d'un album.

 

La conférence est très bien réalisée et fourmille de détails inapparents dans le livre joint.

 

La vision des cités permet de redécouvrir des détails par l'agrandissement des images des albums les contenant. Si Alaxis et Brüsel ne m'ont pas surprise par rapport à mes lectures, il n'en a pas été le cas pour Urbicande où le côté totalitaire de la ville m'est apparu plus fortement avec son architecture grandiose et géométrique qui m'a rappelé certains films montrant des réalisations de l'Allemagne nazie ou des pays soviétiques. Cela m'a rappelé qu'Eugen Robick avait créé une brigade urbatecturale chargée de traquer les contrevenants aux règles qu'il avait édictées.

 

Vu le papier "gaspillé" (selon les propres termes de Schuiten), j'aurais aimé fouiller dans les poubelles du dessinateur!

 

Enfin, je reconnais que les sonorités de Rêves de pierre ne sont pas ce que j'ai préféré de l'album.

 

 

4 – L'ECHO DES CITES (1987)

 

La Couv': 

 

 

 

Ça donne Quoi ? L'album ne raconte pas une histoire, mais plutôt des histoires sous la forme d'articles de journaux. Des articles très intéressants pour connaître des faits qui se sont passés entre divers albums de la série comme c'était déjà le cas avec les images de L'archiviste.

 

Le personnage central de ce grand album est Stanislas Sainclair que nous avons déjà croisé dans la série. Atteint de nanisme, il compense son handicap par une hardiesse folle et une intelligence aiguisée. Il n'hésite pas à participer à des expéditions du photographe Michel Ardan avec qui il stoppera ses relations quand celui-ci créera un journal utilisant des photos (La Lumière) au lieu des dessins de L'Echo des Cités.

 

 

 

Il est à noter que cet album étant paru en 1987, ses lecteurs connaissaient déjà partiellement certains faits qui ont été développés ou simplement cités dans des albums parus plus tard.

 

 

Ma version étant l'ancienne de très grande taille (295 x 395 mm), il a fallu adapter un rayon de ma bédéthèque à ce type de "super"-albums. Je crains que le format des intégrales (204 x 272 mm) ne rende pas justice aux splendides dessins de Schuiten.

 

Les textes des articles sont passionnants pour tous ceux qui s'intéressent au Monde Obscur. Il y en a quelques-uns dont je ne me souviens pas avoir trouvé de traces ailleurs dans la série.

 

Dans la deuxième édition, un complément concernant Axel Wappendorf a été ajouté.

 

Un indispensable pour tous les amateurs de la série.

 

 

5 – L'OMBRE D'UN HOMME (1999)

 

La Couv': 

 

 

Ça donne Quoi ?

En préambule, je dois prévenir les lecteurs connaissant la dernière version de l'album que je vais évoquer ici la première version dont la fin est  beaucoup plus optimiste si j'en crois ce que j'ai pu lire sur l'album.

Dans un document joint à mon album La route d'Armilia et autres légendes du Monde Obscur, les auteurs disaient : "Avec le recul, on jugeait la fin peu satisfaisante. Et on ne pouvait vraiment pas laisser l'album tel quel." Avec des commentaires de l'éditeur : "Le point de vue narratif change, puisque c'est désormais le personnage principal qui relate l'histoire, de l'intérieur. Cinq planches de l'ancienne version disparaissent […] huit planches entièrement nouvelles sont ajoutées."

 

 

Eh oui, je suis un vieux machin et j'ai de vieilles BD!!

 

 

Je reviens à ce que raconte "mon" album. Albert Chamisso est un agent d'assurances de Blossfelddtstad assez féroce avec ses clients pour ne pas faire perdre d'argent à son employeur. Mais, alors qu'il est marié depuis peu, d'horribles cauchemars gâchent ses nuits. Il consulte un médecin qui lui donne un nouveau médicament purement chimique. Mais s'il dort enfin, il semble qu'il y ait un effet imprévu : son ombre se colore et il a des migraines terribles.

 

Son mariage n'y résiste pas, ni son emploi et il se retrouve dans un appartement miteux. Michel Ardan l'y retrouve et le photographie pour son journal. Une rencontre imprévue avec une jeune comédienne va changer sa vie. Ils vont créer un spectacle d'ombres où son "problème" fait merveille jusqu'au moment où son ombre redevient grise… mais ils rebondiront en créant de nouveau spectacles.

 

*

 

Je ne trouve pas personnellement que cette fin soit bancale, mais les auteurs sont maîtres de leurs créations… Et décidemment, il faut que je prenne les intégrales pour découvrir tout ce que j'ai loupé!

Cette planche de la dernière édition n'est pas présente dans la mienne.

 

 

 

Vu l'intérêt des auteurs pour les contes d'Andersen (voir La Perle dans la 2e saga), je pense qu'ils ont été influencés par le conte "L'ombre" (https://fr.wikisource.org/wiki/Contes_d’Andersen/L’Ombre).

Cette possible inspiration me fait craindre le pire pour le héros de l'album car le conte est très sombre.

 

 

Bien sûr, j'ai aussi pensé aussi à Peter Schlemihl, l'homme qui a vendu son ombre au diable, roman d'Aldebert von Chamisso (le personnage a le même nom). J'avoue ne pas avoir lu le roman, mais je connais le personnage par l'opéra Les contes d'Hoffmann de Jacques Offenbach (la connaissance de certains personnages se fait parfois par des voies détournées). Le docteur Vincent serait dans ce cas une incarnation du diable…

 

Je reviendrai vous dire ce que j'en pense quand j'aurai enfin découvert cette nouvelle version.

 

 

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Une Chronique de Gen

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