Nous avions encore tout récemment avec Jet une conversation lapidaire sur la situation de la BD en France aujourd’hui. Loin de moi l’idée de dresser un quelconque état des lieux du médium, que ce soit qualitatif, quantitatif ou même financier, d’autres s’en chargent fort bien surtout ces temps ci.
Si Gilles Ratier, forcené des chiffres et statistiques en tout genre, livre son rapport annuel en parlant de stabilisation, force est de reconnaître que le nombre assez faramineux de parutions annuelles, qu’elles concernent les nouveautés ou les rééditions, n’aide pas à la visibilité générale et il est à craindre que pas mal de choses probablement dignes d’intérêt, passent forcément à la trappe, même pour un lecteur boulimique comme votre serviteur.
Vous avez pu constater si vous suivez un tant soit peu nos parutions, que la variété dans les goûts parfois éloignés des chroniqueurs alimente la constante tentative d’éclectisme à laquelle nous aspirons chez B.O BD.
Je ne vous cache pas néanmoins qu’à l’aube de cette nouvelle année, pour être un peu moins « littéraire » que dans les précédents paragraphes, il n’y plus grand chose qui me fasse vraiment bander * dans le flot incessant de parutions BD.
Tout comme l’exercice de style du mariage BD et B .O peut parfois s’avérer laborieux, trop subjectif, voire fantaisiste ou même anecdotique, en regardant par dessus mon épaule (et je ne parle que des chroniques que j’ai rédigées et donc de mes lectures), je me dis qu’un bon tiers de mes albums de l’année aurait pu passer à la trappe sans pour autant me manquer…et qu’aujourd’hui cette affirmation peut s’appliquer à quasiment la même proportion des plus de 3000 albums qui peuplent mes étagères.
Venons en à ce qui a déclenché la conversation évoquée au début de cette nébuleuse tribune, responsable également de ce texte interminable:
Prince Valiant.
Vous le savez, depuis bientôt deux ans j’ai redécouvert via les anthologies Soleil puis Fantagraphics (l’éditeur français n’ayant pas jugé bon de continuer la série, faute de ventes suffisantes probablement) ce chef d’œuvre de bande dessinée que sont les strips d’Hal Foster, qui a consacré près de 40 ans de sa vie à cette série moyenâgeuse.
Au lecteur d’aujourd’hui, surtout chez les plus jeunes, Prince Valiant peut, à juste titre, sembler rédhibitoire. Pas de phylactères remplacés par, un texte parfois fourni en dessous de chaque case, une ambiance clairement surannée (en même temps on parle d’une œuvre qui a commencé à paraître il y a 80 ans !) des bons sentiments à la pelle et une nette influence chrétienne.
Ce serait pourtant dommage de s’arrêter à l’arbre qui cache la forêt et se priver d’un dessin virtuose que fort peu d’artistes aujourd’hui seraient capables d’approcher, d’un humour fin et savamment distillé, de vrais scénarios rythmés et novateurs (rappelons tout de même que Foster livrait une page chaque dimanche et qu’en trois décennies – j’en suis au volume 11, le début des années 60- on compte les éventuelles « redites » sur les doigts d’une main … bref des qualités dont quasiment aucune œuvre des vingt dernières années ne peut se targuer.
Ce n’est d’ailleurs probablement pas pour rien qu’une grande partie de mes acquisitions de ces deux dernières années (hors S.P s’entend) se constitue en grande partie de rééditions de vieilles choses, et quand je dis vieille je parle donc de BD des années 30 à 60.
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Alors, en conclusion - car je vous ai déjà bien assez retenu pour un dernier jour de l’an, et je vais vous laisser aller vous faire beaux ou préparer la table pour ce soir après ces dernières lignes- je ne suis pas en train de vous dire que je jette aux orties toutes les nouveautés parues et à venir, ni qu’on vous enfume depuis des mois avec nos chroniques musicales, ni qu’il n’y a pas un vrai plaisir d’échange dans ces associations BD et musique, mais plutôt qu’il n’est pas impossible qu’en 2017 on essaye de lire moins pour lire mieux, qu’on ne lève pas un peu le pied coté rythme de parution pour privilégier la qualité sur la quantité.
Ce qui est sur c’est que vous risquez de retrouver pas mal de vieilleries au sein de nos pages, qui je l’espère vous plairont autant qu’à moi, mais, pas d’inquiétudes, mes compères, de l'éclectique Gen au cultivé Lio en passant par l’irremplaçable Jet (et espérons le le retour du reste de l'équipe!), continueront à vous proposer des choses aussi originales que diversifiées et que si cette tribune ne nous a dores et déjà pas aliéné une bonne partie de notre –formidable !- lectorat en constante évolution, il y a de grandes chances qu’on fasse encore un bon bout de chemin ensemble.
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A demain pour nos vœux, et d’ici là, si cet article vous a interpelé, n’hésitez pas à y répondre ou à le commenter, vous m’en verrez ravi !
Fab