Ca donne Quoi ? Comment, et surtout pourquoi, peut-on tenter par trois fois de tuer Adolf Hitler sans y parvenir et se retrouver condamné à mort par les nazis, abandonné par son propre pays ? C’est ce que vont tenter d’élucider deux reporters, longtemps après les faits, dans un Berlin en proie aux agissements secrets des deux grandes puissances.
Perna en choisissant d’évoquer le destin de Maurice Bavaud, ce Suisse qui, par foi en dieu et l’humanité, tenta d’assassiner Hitler, livre un thriller historique aussi documenté que prenant, où il mêle avec habileté petite et grande Histoire dans un contexte ô combien tendu (l’Allemagne de l’Est durant la Guerre Froide), propice à moult intrigues.
Le trait réaliste du dessinateur Ruizge, si pas forcément mon style de prédilection, se prête aussi bien à l’évocation historique qu’au polar, les couleurs rendent également plutôt pas mal l’atmosphère glauque du Berlin post Seconde Guerre Mondiale. Si certains des protagonistes sont un peu classiques, la narration est rythmée comme du papier à musique, avec un entrelacs de flashbacks et forwards qui soutient l’intérêt du lecteur.
LA MUSIQUE:
C'est quoi :THE MANCHURIAN CANDIDATE
C'est de qui ? R. Portman
La Couv':
Déjà croisée chez nous? Une paire de fois oui.
On peut écouter ?
Ca donne Quoi ? S’il a fallu quasiment quinze ans et un Oscar à Rachel Portman pour qu’Hollywood reconnaisse son talent, on peut dire qu’elle s’est bien rattrapé ensuite et dans des genres aussi différents que possible.
J’en veux pour preuve l’extrême maîtrise de la B.O de ce thriller, remake d’un long de Frankenheimer remis au gout du jour à l’époque, où, en évitant tout sensationnalisme, elle sait poser une ambiance tendue à grands renforts de montées de cordes maitrisées et autre piano avare en notes.
On pourra certes trouver que l’absence d’un thème principal fort ou le recours aux assonances fréquentes ne rend pas l’ensemble des plus mélodieux mais si l’on s’en tient à l’effet recherché, il est évident qu’il est largement atteint et le premier tome de La Part de l’Ombre s’en accommode d’ailleurs très bien.
Ca donne Quoi ? Jack tente toujours de délivrer ses amis enfermés dans les réserves du club, mais Elizabeth est devenue complètement mutique et amorphe à la suite du choc qu'elle a subit à la fin du 1e tome. Voir Jack dans la rue la ranime. Ils décident de s'attaquer au club en utilisant la petite fille simplette du cuisinier comme objet de chantage : sa libération contre l'empoisonnement du prochain banquet… Mais rien ne va se dérouler comme prévu!
Voici donc le 2e tome d'un diptyque noir, très noir (même le fond des pages est noir d'ailleurs!).
Steven Dupré est très à l'aise dans le rendu d'un monde victorien dur aux pauvres et clément avec les riches. La finesse de ses dessins lui permet de montrer les pires abominations sans faire fuir le lecteur.
Valérie Mangin est allé au bout de son histoire sans mollir et sans "happy end", une intrigue assez classique au demeurant et héritière des pires légendes urbaines.
LA MUSIQUE
C'est Quoi ? OLIVER TWIST
C'est de Qui Rachel Portman
La couv'
Déjà entendu chez nous? oui.
On peut écouter?
Ca donne Quoi ? Pour le film de Roman Polanski, Rachel Portman est restée dans sa zone de comfort en utilisant essentiellement ses habituels schémas de cordes répétitives et un peu ronflantes.
Mais dans le morceau final (Newgate prison) proposé ci dessus, elle a introduit une noirceur particulière pour distiller l'angoisse de l'enfermement de manière plutôt efficace. L'arrivée d'une clarinette nostalgique est bienvenue au milieu des dégoulinades des cordes (même si elles évoquent des rythmes celtiques).
Un peu d'angoisse et de nostalgie pour accompagner en "douceur" les horreurs de l'album, apportent un décalage intéressant et d'autant plus oppressant par moment.
(Les lecteurs les moins habitués à l'accompagnement musical auront peut être un peu de mal avec ce choix mais la touche d'originalité qu'il amène est fort bienvenue. - Fab)
Ca donne Quoi ? Inspiré par Chasse à l’enfant de Prévert, poème lui-même inspiré d’un fait divers du début du siècle dernier, la Pension Moreau est certes un titre axé jeunesse mais relativement sombre.
Dans ce pensionnat à l’ancienne sont envoyés les enfants dont les parents –prêts à payer des sommes parfois colossales- ne veulent plus. Une fois entre les murs de cette prison à peine déguisée, les jeunes gens sont forcés de s’acquitter de tâches parfois ingrates, de suivre des cours stricts, le tout sous le joug de professeurs tyranniques à tête d’animaux.
Quatre des pensionnaires, dont Emile jeune garçon renfermé et amateur de dessin, vont néanmoins commencer à s’élever contre cette situation intenable.
Entre ce postulat de départ et le dessin certes axé jeunesse mais dans des teintes sombres, avec force gros plan sur les faciès expressifs des protagonistes, le premier volet de la Pension Moreau est un mélange de genres intéressant et maitrisé, à ne peut être pas mettre entre les mains de lecteurs (lectrices!) trop émotifs ou pas préparés (croyez-moi, j’ai tenté l’expérience).
LA MUSIQUE
C'est Quoi ? THE WOMAN IN BLACK
C'est de Qui ? R. Portman
La couv'
Déjà entendu chez nous? Oui.
On peut écouter?
Ca donne Quoi ? Avant de percer au cinéma avec des réussites diverses et variées, Rachel Portman a fait ses armes sur pas mal de boulots pour la BBC.
Parmi eux une version un brin cheap mais fidèle de TheWoman In Black (histoire que la mythique Hammer choisira pour tenter de relancer les studios, sans succès) pour laquelle la compositrice fait dans l’économie avec une utilisation aussi simple que puissante de cordes, avec des motifs lancinants et répétitifs.
Si le procédé peut faire penser parfois à certains gimmicks d’Herrmann (Psycho en tête), ici on frôle parfois le minimalisme à la Phillip Glass, voire même le « bruitage », l’effet spécial tant le leitmotiv sait devenir entêtant.
Là encore, gardez l’expérience pour vous, l’effet sur des lecteurs trop jeunes et influençables étant probablement limite traumatisant !
Ca donne quoi? Isabel est une jeune et jolie espagnole qui, au début de cette année 1936, compte bien s'émanciper de la condition des femmes dans son pays en travaillant plutôt que de rester au foyer. Elle commence à fréquenter un groupe de jeunes anarchistes libertaires mais bientôt, un coup d'étât renverse le fragile pouvoir en place et la milice élimine tous les opposants au nouveau régime.
Menacée elle doit fuir et se cacher. Elle rencontre Jaime, boxeur enrôlé dans la résistance qui, lui aussi, va voir ses illusions balayées par la force armée dominante.
La Guerre d'Espagne, si elle a déjà eu les honneurs de la BD, reste assez peu évoquée comparativement à d'autres sombres périodes historiques. Avec Jamais je n'aurais 20 ans, Jaime Martin évoque la destinée de ses grands parents, jeunes gens idéalistes et révoltés, écrasés par la machine fasciste, privés de jeunesse et forcés, une fois la tyrannie de Franco instaurée, d'avoir recours à mille et une combines afin de subsister, d'élever leurs enfants, tout en restant sous le radar, en faisant profil bas afin de ne pas éveiller jalousies, trahisons et dénonciations.
Un album riche et dense, véritable et poignant témoignage d'une époque tragique et auquel le graphisme doux, rond, presque cartoony de l'auteur (seul aux manettes), apporte un réel décalage sans pour autant nuire à la force d'évocation du récit.
Une réussite de plus dans la collection Aire Libre chez Dupuis.
LA MUSIQUE
C'est Quoi ?HART'S WAR
C'est de Qui ?Rachel Portman
La couv'
Déjà entendu sur B.O BD? Pas mal oui.
On peut écouter?
Ca donne Quoi ? Drôle d'idée, pourtant souvent rencontrée, de faire appel à un compositeur plutôt connu pour l'aspect romantique de ses oeuvres pour mettre en musique un film de guerre.
Si on ajoute au fait qu'à l'époque Rachel Portman n'avait jamais composé pour un orchestre aussi important que celui alloué à la B.O de Hart's War, on reste dubitatif quant aux choix de la prod'. Néanmoins, et si elle a du mal parfois à sonner vraiment héroïco-épique, l'artiste de par entre autre l'utilisation d'une trompette pour son thème principal, arrive à tirer son épingle du jeu et livre un travail lyrique et fort abouti.
On regrettera la nature assez passe-partout de certaines pistes (avec le piano -que Portman affectionne particulièrement- qui revient sur le devant de la scène) qui auraient pu aussi bien accompagner une comédie dramatique historique mais qui s'avèrent très à propos avec toute la seconde partie de Jamais je n'aurais 20 ans qui se focalise sur la vie de la famille de nos héros sous le régime franquiste.
Ca donne Quoi ? Une petite ville rurale du nord est des Etats Unis, la fin des années 40, par un jour de juin ensoleillé toute la communauté s’est réunie sur la place afin de participer à une étrange loterie, préparée la veille au soir par deux hommes. Chacun à son tour, les habitants viennent tirer un petit bout de papier plié, en semblant redouter celui qui ne sera pas vierge.
Je ne vous dévoilerai pas ce qu’on « gagne » à cette étrange loterie que Miles Hyman (qui adapte ici une nouvelle de sa propre grand-mère) nous décrit dans le détail, s’arrêtant sur une expression faciale, un mouvement de main, sur une devanture ou un bout de paysage via de grandes cases aux couleurs vives qui ne sont pas sans faire penser à de l’illustration voire de véritables tableaux comme ont pu en produire ses compatriotes.
Si le rythme de narration pourra paraître très posé à certains, il construit lentement la tension présente tout au long du récit, amenant inexorablement et par des moyens détournés (la fausse tranquillité apparente de la vie des habitants en ce jour de loterie) au climax du scénario.
Dans la lignée de ses adaptations de grands romans noirs Miles Hyman livre une étonnante version du texte de son aïeule auquel il donne une identité graphique intéressante.
LA MUSIQUE
C'est Quoi? DESPITE THE FALLING SNOW
C'est de Qui ? R. Portman
La couv'
Déjà entendue sur B.O BD? Oui
On peut écouter?
Ca donne Quoi ? Si la période historique correspond à peu près, l’action de Despite the falling snow, adapté de son propre roman par Shamim Sarif, se déroule en Union Soviétique.
Si l’on pourrait se dire qu’une B.O de film d’espionnage en pleine Guerre Froide ne semble pas de prime abord tout désigné pour accompagner un récit aussi contemplatif que psychologique, il s’avère que Rachel Portman a eu la bonne idée d’éviter l’écueil de la musique trop marquée folkloriquement.
Dominée par un piano sobre et efficace, qui passe de la mélancolie au suspense sans prévenir, sa partition flotte entre les genres, flirtant avec l’underscoring sauf quand les cordes, notamment le violoncelle, s’invitent sur des passages plus orchestraux.
Portman travaille à l’économie, dans le bon sens du terme, et sa B.O des plus éthérée appuiye bien la lenteur relative de l’adaptation d’Hyman.
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Conseils d'écoutes musicales pour Bandes Dessinées
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"...ces illustrations sonores. On apprend toujours quelque chose avec elles. Y compris sur des œuvres qu'on a soi-même écrites." Serge Lehman. (La Brigade Chimérique, Metropolis, L'Homme Truqué)