Cette bande dessinée, que l’on déniche encore facilement d’occasion, est parue début 80 aux Editions du Triton, maison défunte spécialisée dans la publication de comics horrifiques (Creepy, Vampirella) et de certains artistes qui ont pu œuvrer sur ces séries : Wally Wood, Richard Corben, Mike Kaluta, Neal Adams, Jeff Jones… et bien sûr Berni (sans "e" à l’époque) Wrightson. Bref, que du lourd !
Contrairement à ce que laisse entendre le titre, et à l’instar de certaines anthologies Marabout de la grande époque aux accroches parfois abusives, il ne s’agit pas à proprement parler d’un recueil d'histoires réunies autour de la thématique du "mutant", figure emblématique de la science-fiction, même s’il en est bien question pour deux d’entre elles… sur dix-neuf. A la rigueur, pourrait-on considérer ici la "monstruosité", physique ou morale (égoïsme, lucre, arrivisme…), comme fil directeur qui ne permettrait quand même pas d’inclure l’ensemble des récits. Laissons donc de côté notre tentative de thématiser "l’inthématisable", pour nous concentrer sur le contenu. Les Mutants regroupe des histoires courtes, publiées par Wrightson entre 1969 et 1974. Celles-ci naviguent allègrement entre SF old school, horreur gothique dans la pure tradition des EC Comics, ode à la tolérance, adaptations digest d’œuvres littéraires ou cinématographiques, heroic fantasy sous influence howardienne et détournements grivois (et colorisés !) de figures fantastiques ou historiques, orchestrés par le scénariste Vaughn Bodé (dont la mort prématurée en 1975 préfigurait celle de David Carradine...).
Si tous les scénarios ne sont pas d’égale qualité, la faute à des chutes parfois trop abruptes, on se console aisément avec les dessins de Wrightson, dont on peut mesurer l'ampleur du talent et l'incroyable capacité à adapter son style détaillé et emphatique à tous les registres qu'il aborde.
Ca donne Quoi ? "You can't judge a book by its cover", comme le chantait Bo Diddley. L'adage ne s'est jamais aussi bien vérifié qu'avec les productions fauchées de Roger Corman. Forbidden World (qui n'est pas exactement un mix entre Forbidden Planet et Lost World, mais c'était bien tenté, Roger !) ne déroge pas à la règle. Derrière une bien belle affiche des frères Hildebrandt se cache un énième repompage d'Alien dans lequel une poignée d'acteurs en roue libre tente de venir à bout d'un mutant (titre alternatif de cette série B-Z, sortie en 1982) viscelard et baveux. Tout cela n'est bien sûr qu'un prétexte à quelques scènes gores bien troussées et surtout aux effeuillages répétés des deux actrices principales, Dawn Dunlap (ex-égérie de David Hamilton) et June Chadwik (qui un an plus tard allait incarner la vicieuse Lydia dans la série V).
A l'instar de l'affiche, la musique de Susan Justin (qui a décroché le job parce qu'elle était la copine du réalisateur... the right girl in the right place !) tend à tirer le film vers le haut. La compositrice nous gratifie d'une musique électronique à mi-chemin entre new wave et tonalités atmosphériques synthétiques caractéristiques du début des années 80. En dépit d'un budget qu'on imagine famélique, elle parvient à créer une partition qui n'a rien à envier à celles de Craig Safan (Remo Williams, The Last Starfighter) ou de John Harrison (Creepshow) et prouve, si besoin en était, qu'avec un orgue Casio, une boîte à rythmes et un brin d'inspiration, on peut bâtir des discographies (n'est-ce pas Mr. Carpenter ?). Quoi qu'il en soit, l'ambiance horrifico-vaporeuse de cette BO colle parfaitement à celle développée par l'ami Berni dans les pages sombres de son anthologie, alors ne boudons pas notre plaisir !
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Une chronique de Lio