Il est clair que l'ombre de Bataille (peut-être plus que celle du Marquis) plane sur La Demeure de la chair, dont bon nombre d'histoires mettent en avant des femmes que leur nature profonde, ou des circonstances tragiques, ont transformées en véritables figures de la malveillance. Vengeance, déviance et cruauté morale (doublée of course de sévices physiques) se mettent au service d'une violente transgression des tabous - l'anthropophagie, la coprophagie, la zoophilie et les infanticides sont à l'honneur, mieux vaut en être averti ! - magnifiée par le trait délicat de Hanawa et la composition minutieuse de ses pages, qui n'est pas sans évoquer celles des estampes du 19e siècle.
Plus apaisé (encore que...), le dernier tiers du recueil propose une série d'"Histoire de monstres japonais" qui révèle l'intérêt du mangaka pour le Japon médiéval et semble préfigurer les Contes du Japon d'autrefois qu'il publiera en 2001.
Pour conclure, notons que l'excellente traduction du manga a été assurée par Miyako Slocombe, fille de l'illustrateur, photographe, cinéaste et romancier Romain Slocombe, qui participa jadis aux débuts de l'aventure Métal Hurlant, et dont les oeuvres (Tokyo Girl, La Nuit de Saïgon) ont souvent pour thématiques centrales le Japon et le bondage. Le fruit, l'arbre, tout ça, tout ça...
Déjà croisé sur B.O BD ? Oui, notamment pour une de ses nombreuses collaboration avec Cronenberg.
. Qu'à cela ne tienne, nous nous reportons sans rougir sur cette excellente partition, écrite par Howard Shore pour son inséparable collaborateur David Cronenberg.
En ce début des années 80, le compositeur ne dispose pas encore des moyens orchestraux faramineux que lui offrira Peter Jackson pour sa sexologie ?... bi-trilogie... de la Terre du Milieu ? Bref, pour Le Seigneur des Anneaux et Le Hobbit, dont il saura tirer le meilleur parti ! L'absence de moyen stimulant la créativité (c'est du moins ce que semblent estimer la plupart de nos dirigeants), Shore livre une musique synthétique dépouillée et angoissante qui prolonge admirablement l'impression de malaise suscitée par le visionnage du film. Les délires organico-sado-télévisuels vécus par Max Renn (James Wood) nous rapprochant étrangement de l'esprit perverti de La Demeure de la chair, lire le manga en écoutant la BO de Vidéodrome... c'est s'assurer le meilleur des bad trips !