Ca donne Quoi ? Philipppe Foerster a beau être moins présent depuis ses prolifiques strips qu'on s'arrachait dans le Fluide Glacial mensuel, il nous gâte régulièrement par des recueils du même jus.
Si on peut regretter l'abandon de l'élégante bichromie utilisée dans Le Confesseur Sauvage, le noir et blanc original revient tout comme l'originalité avec ce fil rouge ténu entre philosophes d'outre-tombe et leur vocabulaire improvisé et fort perché.
Ce nouvel album se compose 3 histoires dont la principale peut être reliée à son œuvre précédente, Foerster continue d' y être inventif avec cet univers horrifique quotidien dont les règles n'appartiennent qu'à lui et qui nous surprennent sans cesse. Il se permet même par de splendides esquisses de pleine page de nous affoler les mirettes.
Si un air de gravité n'est peut-être pas la meilleure porte d'entrée pour apprécier ce précieux univers, il est indispensable pour les amateurs du genre humour noir. La conclusion est même particulièrement glaçante en soulevant quelques idées sur notre prédestination.
Ca donne Quoi ? A peine sortis de l’épreuve subie pour défaire la bête qui menaçait le village, nos intrépides amis sont déjà prêts à repartir.
Il faut dire que les tâches sombres qui s’étendent sur le corps de Molly et Liam sont des plus préoccupantes. C’est donc toute une expédition qui va traverser le continent en direction des Terres Mortes.
Mais dans les tréfonds du Tombeau des Dieux se sont de bien plus grands dangers qui les attendent !
Bergères Guerrières confirme avec ce troisième volet, qui annonce une quête haute en couleur, qu’elle conjugue les atouts d’une série jeunesse attachante à ceux des classiques de la fantasy remis au goût du jour.
Cette bonne impression est agréablement appuyée par le style graphique d’Amélie Fléchais qui, lui aussi, emprunte à différents genres pour un résultat des plus convainquant.
LA MUSIQUE:
C'est quoi :VIKING DESTINY
C'est de qui ?T. Morrison
La Couv':
Déjà entendu chez B.O BD? Non
On peut écouter ?
Ca donne Quoi ? Dans la lignée de séries à succès comme Vikings et The Last Kingdom, d’obscurs réalisateurs se sont lancés dans la brèche du genre en pensant surfer sur la popularité des dites séries.
Cependant quelques beaux paysages et un équipement adéquat ne font pas un bon film loin de là, et ce Viking Destiny en est une preuve parmi quelques autres.
La B.O a été confiée à Tom E Morrison, compositeur de seconde zone qui, à quelques exceptions près, n’a œuvré que sur d’obscurs films dont il est également producteur (on ne se moque pas au fond !) et dont le long métrage du jour fait d’ailleurs partie.
N’attendez pas une folle originalité à l’écoute du score, Morisson s’appuyant sur ce que le genre a de plus lambda, mais on appréciera néanmoins la construction dramatique de certaines pistes avec des montées en puissance des cuivres et des percussions qui, cependant hélas, versent trop souvent dans le too much, à grand coup de choeurs excités.
Pourtant avec ce troisième volet de Bergères Guerrières la partition de Viking Destiny ajoute une dimension grand spectacle prenante, surtout sur la seconde moitié de l’album.
Ca donne Quoi ? A la fin du XVIII° siècle, en Amérique, un jeune garçon est enlevé à sa famille par des indiens qui veulent remplacer le fils perdu de la femme du chef.
John Tanner, c’est son nom, va vivre dès ce moment une enfance et une adolescence difficile au sein d’un peuple qui n’est pas le sien et dont la plupart des membres ne l’acceptent pas, jusqu’à être racheté par une autre indienne qui va l’emmener dans ses périples.
Un beau récit initiatique, dans la lignée de certains classiques du genre comme Jéremiah Johnson ou Le Dernier des Mohicans, tiré d’une histoire vraie que Christian Perrissin - qui s'y connait en biographies en BD - rend attachante en appuyant sur son coté dramatique sans pour autant tomber dans le pathos.
Il peut compter sur le trait réaliste très old school de Boro Pavolovic qui fait partie de cette génération de dessinateurs slaves qui, depuis quelques années, emmenés par des gens comme Roman Surzhenko, percent en France pour notre plus grand plaisir.
Son dessin est par ailleurs fort bien mis en valeur par le travail d’Alexandre Boucq, coloriste original et talentueux qui a le mérite de garder sa personnalité dans une époque souvent formatée par le style digikore.
LA MUSIQUE:
C'est quoi :UN HOMME NOMME CHEVAL
C'est de qui ? L. Rosenman
La Couv':
Déjà entendu chez B.O BD? Une poignée de fois oui.
On peut écouter ?
Ca donne Quoi ? La musique de Rosenman s’est imposée d’elle-même pour la lecture de ce premier volet de John Tanner ne serait-ce que par l’utilisation intensive et intelligente de chants indiens et d’instruments rythmiques et percussifs aux sonorités très tribales.
Le scénario du film évoque lui aussi le parcours initiatique d’un blanc qui embrasse la culture indienne, avec des passages de rites durs, moments forts dramatiquement, que Rosenman rend à merveille dans sa partition.
Innovante, voire audacieuse à une époque où les codes de la musique western aux States étaient encore très balisés dictés par ceux de la décennie précédente, la musique de A Man Called Horse est une réussite indiscutable dans sa forme comme sur le fond, apportant une vraie richesse aux images du film (et, le cas échéant, à l’album BD du jour) et ouvrant aux scores à venir des perspectives rafraichissantes.
Ca donne Quoi ? Shakespeare a eu maintes fois les honneurs de l'adaptation en BD et Macbeth est la pièce qui revient le plus souvent ; du coup, comme on a pu le voir déjà chez nous (et même pas plus tard qu'hier), ce qui fonctionne le mieux sont les versions personnelles, originales, décalées et j'en passe.
Je vous avoue donc que, attiré au départ par le trait de Sorel, j'ai tout de même ouvert ce premier tome avec quelques craintes, connaissant plutôt bien le texte d'origine. Le vent froid de la lande a néanmoins vite balayé ces peurs, la pièce écossaise revue par Thomas Day est -oui je sais elle est facile- pleine d'un bruit et d'une fureur digne d'une œuvre de fantasy !
Si on entend parfois que traduire c'est trahir, adapter, je pense c'est s'approprier. Ce que le scénariste fait ici fort bien, modifiant certains passages, redonnant à la terrible Lady Macbeth (dont une « origine » est ici proposée d'ailleurs) la place de choix qui lui revient et faisant de l'anti héros Macbeth guère plus qu’un pion dans les griffes de sa machiavélique épouse.
Le talent de Guillaume Sorel fait le reste, visiblement inspiré par la vision de son scénariste, le dessinateur n'a rien perdu de ce qui a fait sa réussite, j'irai même jusqu'à dire qu'il se surpasse par moments dans ce premier tome épique où les couleurs et les teintes choisies en fonction des passages et des scènes font toujours mouche que ce soit dans le bucolique, le tragique ou le sanglant.
Macbeth renaît donc encore une fois sous ces quatre mains expertes dans une version épique et ténébreuse qui devrait parler à la génération actuelle nourrie à Game Of Thrones et Vikings.
LA MUSIQUE:
C'est quoi :SYMPHONIE N°2
C'est de qui ?S. Prokoviev
La Couv':
Déjà entendu chez B.O BD? Oui
On peut écouter ?
Ca donne Quoi ? Dans une veine barbare qui annonce les grands scores que Prokoviev écrira la décennie suivante pour Eisenstein, cette seconde symphonie (genre que le compositeur abordera peu et de façon assez disparate dans sa carrière) est inspirée de Pacific 231 de Honnegger, où les instruments personnifient les rouages et parties d'une machine (une locomotive dans le cas du Suisse).
Volontairement grandiloquente, limite agressive par moments voire peu représentative de ce que Prokoviev écrivait à l'époque, cette symphonie s'inscrivait dans la mouvance d'un certain renouveau de l'écriture classique en vogue au début du XX° siècle. Les cuivres y sont imposants et les cordes flirtent parfois avec la dissonance pour un effet assez efficace.
Certains passages ont sans nul doute inspirés les compositeurs de cinéma du siècle dernier, John Williams en tête, et le caractère expressif et illustratif de la partition apporte une dimension épique au Macbeth de Day et Sorel.
Ca donne Quoi ? Les Clous Rouges est la dernière histoire du cimmérien qu’écrira Howard ; c’est également – du propre aveu de l’auteur comme le rappelle Patrice Louinet dans sa postface- la plus chargée en érotisme et en scènes gore. C'est également la septième adaptation de la collection de chez Glénat qui, décidément, tient ses promesses.
On y retrouve notre barbare à la poursuite de Valéria, recherchée par la Fraternité, mais pas pour ramener la guerrière, au contraire, pour faire route (et plus si affinités !) avec elle.
Leur retrouvailles sont rapidement écourtées par l’arrivée d’une créature gigantesque, sorte de lézard dont Conan aura bien du mal à venir à bout.
Notre duo attérrit ensuite dans une immense ville complètement fermée du monde extérieur où ils vont bientôt découvrir les derniers survivants d’une civilisation dont les trois factions se livrent une guerre fratricide depuis des décennies.
Huis clos oppressant et sauvage, critique, une fois encore, de la nature humaine, Les Clous Rouges est ici plutôt bien adapté par un Régis Hautière assez loin de ses domaines habituels et, surtout, superbement mis en image par Didier Cassegrain, sur un storyboard de Vatine excusez du peu !- dont le trait si personnel, qui sait faire de la moindre institutrice une bombe sexuelle, donne une nouvelle identité graphique a ce classique de la fantasy.
Les indécrottables fans du Conan version comics d’antan (et ce malgré toute l’admiration que j’ai pour Barry Windsor Smith), auront peut être du mal à apprécier à sa juste valeur cette nouvelle version (comme ils en auront eu avec une autre réussite aux graphismes atypiques de cette collection : La Reine de la côte noire d’ Alary), mais c’est tant pis pour eux.
LA MUSIQUE:
C'est quoi :ON THE SHOULDERS OF GIANTS
C'est de qui ?P. Graham
La Couv':
Déjà entendu chez B.O BD? Pas sur.
On peut écouter ?
Ca donne Quoi ? Des grands compositeurs classiques russes comme Prokofiev ou Moussorgski à leurs « élèves » de la musique de film du XX° siècle, Basil Poledouris et John Williams en tête, tous ont bien compris que la dimension épqiue, notament dans la fantasy, passait par les cuivres.
Peter Graham, qui s'est fait une spécialité dans l'écriture pour grands ensembles de cuivres, emprunte dans ce On the shoulders of giant, autant aux incontournables du genre dans le 7° Art qu'à ses compatriotes -contemporains ou non- voire aux romantiques allemands du siècle précédent.
Le résultat est pour le moins impressionnant sans jamais sonner barnum ; original dans le sens où certaines parties, que l'auditeur lambda s'attend à entendre jouer par d'autres tessitures, le sont exclusivement par les cuivres et résolument héroique malgré quelques thèmes plus posés.
Une musique toute aussi originale que l’appropriation de Conan par le trio d'auteurs responsables de cette version des Clous Rouges.
:
Conseils d'écoutes musicales pour Bandes Dessinées
:
"...ces illustrations sonores. On apprend toujours quelque chose avec elles. Y compris sur des œuvres qu'on a soi-même écrites." Serge Lehman. (La Brigade Chimérique, Metropolis, L'Homme Truqué)