Le Crépuscule des (Super) Héros.
Il est commun de lire que les super-héros sont morts en 1986, enterrés par Frank Miller et son Dark Knight qui nous montrait un Bruce Wayne vieillissant, fatigué, essoufflé et surtout aussi schizophrène que violent et par les Watchmen d’Alan Moore qui, Lio nous en a d’ailleurs fort bien parlé dans le cycle De la case à l’écran en début de mois, en ressuscitant une équipe de personnages oubliés du comics de cape, signait par la même le certificat d’autopsie de tout un genre déjà miné. Moore qui enfonce le clou avec un mythique Whatever Happened to the Man Of Tomorrow? Où il n’hésitait pas à mettre en scène la mort de Superman.
Mais ne soyons pas dupes, les super héros sont toujours bien vivants, et, via de multiples « reboot » et autres réécritures des différentes mythologies, mais surtout des adaptations barnums sur grands écrans, n’ont jamais autant eu la côte. Pas que le sujet me réjouisse, ni même me passionne, vous le savez si vous êtes des habitués du coin, mais, quand je me retrouve face à un ouvrage, publié par PUF qui plus est, qui s’intitule sobrement (hum !) Vie et Mort des Super-Héros, je me dis peut être un peu naïvement, que le débat mérite d’être relancé.
Las ! Il s’avère que les « dix trentenaires » (qui sont pour certains plutôt bien quarantenaires, ce qui n’est pas anodin, mais passons) responsables d’autant d’analyses de phénomènes sociétaux via le prisme d’icones de la culture comics, tapent bel et bien à coté de leur titre.
Si je n’aurais pas la prétention d’aller analyser certaines des digressions audacieuses réunies dans l’ouvrage supervisé par L. De Sutter, j’aurais déjà tendance à déplorer qu’au moins trois des essais se basent sur les versions cinéma des personnages évoqués, alors qu’il est notoire, à de trop rares exemples près, que ces dernières sont fort peu fidèles au matériau de base sinon dans la forme au moins sur le fond. Celles évoquant les héros de papier se révèlent plus intéressantes à mon sens, l’analyse sur Captain America par exemple, outre le rapport du personnage à l’Amérique, son évolution de symbole militaire à figure d’une nation (un passage de l’anomalie à l’anachronisme très justement relevé) n’hésites pas à s’aventurer dans une symbolique fantasque comparant par exemple l’alter égo de Steve Rogers au golem du folklore juif via le symbole sur le front du héros. Spideman, est également astucieusement remis dans son rôle de modèle d’une certaine jeunesse (à l’époque tout du moins), de celle qui ne fait pas partie des oppresseurs mais plutôt des victimes, du jeune homme aux failles aussi grandes que seront les « responsabilités qu’engendrent de grands pouvoirs » , en un mot de super héros « psychologique » intéressant à plus d’un cas clinique (même si le summum du genre restant le Silver Surfer, cruellement absent du recueil).
Au final, dans les deux sens du terme, c’est Pacôme Thiellement, déjà croisé chez nous, qui, sans trop de surprise, tire le mieux son épingle du jeu, choisissant un modèle on ne peut plus éloigné de ceux de ses camarades d’écriture, Professor Chaos. Si ce nom ne vous dit rien c’est que vous n’êtes pas spectateur de South Park et donc êtes passé à coté d’une version assez délirante du super vilain made in Parker et Stone qui, vous vous en doutez, brocarde allègrement les figures manichéennes des Big Two.
Un ouvrage donc qui ne manque pas de pistes et de réflexions intéressantes mais qui aurait gagné à se présenter sous un titre moins définitif et plus en relation avec son contenu.
Bon, alors, Morts ou pas ces super-héros ? Si la question reste clairement rhétorique, consacrons donc un cycle thématique à ce que le genre a pu proposer d’ « alternatif » à la production mainstream calibrée.