J.C & Lio terminent donc notre cycle thématique du week-end, qui, outre un attrait non-démenti d'un lectorat nombreux, aura prouvé que la BD X recèle tout (et n'importe quoi) mais ne se limite clairement pas à un sous-genre réservé aux obsédés de la chose (encore que...)
LA BD :
C'est quoi : MARIE-GABRIELLE DE SAINT-EUTROPE
C'est de qui ? Georges Pichard
La Couv':
Déjà lu sur B.O BD ? Non
C’est édité chez qui ? Glénat
Une planche :
Ca donne quoi ? S’il est un auteur français « classique » qui risque de sombrer dans l’oubli en ces temps de « politiquement correct » c’est bien Georges Pichard (1920-2003). Après un début de carrière dans la publicité et l’illustration, il arrive tardivement dans le monde de la bande dessinée. Ancien élève des Arts Appliqués, il donnera pendant des années des cours de bd et de graphisme, on retrouve parmi ses élèves Gotlieb ou Annie Goetzinger. C’est sa rencontre avec Wolinski, les deux sont amateurs de belles femmes, qui produira ses premières séries : Paulette (1971-1984), Blanche Epiphanie (1972-1986)… Qualifié très rapidement d’auteur de bandes dessinées pour adultes, son travail est influencé par le feuilleton populaire à rebondissement dont il respecte les codes, mais modifie ironiquement la vision, ses héroïnes tout en forme (on ne peut s’empêcher de penser à Mayol) traversent avec une (fausse) candeur des aventures pleines de rebondissements. A partir de 1977, il devient son propre scénariste pour son œuvre la plus élaborée, "Marie-Gabrielle de Saint-Eutrope", directement influencée par les manuels catholiques de la fin du XIXème, destinés à l’éducation des jeunes filles. Il avouera tardivement, dans une interview, le poids d’une éducation catholique moralisatrice. Ce chef-d’œuvre (encore censuré dans certains pays) de Georges Pichard, réédité en intégrale en octobre 2009, ne se résume pas au dirty comic se lisant à une main. Dans cette œuvre, car c’en est une, tout respire la gravité et la profondeur, l’érotisme et la violence, le moralisme et la liberté, la faute et le châtiment. Ce véritable roman graphique constitue une œuvre inimitable qui rappelle par sa densité les grands romans du XIXème siècle, et par son audace, les grands libertins, de Sade à Bataille. S’attaquant aux fondements moraux de notre société, présents en chacun de nous plus ou moins consciemment que nous soyons religieux ou laïcs, l’excitation provoquée par l’érotisme violent de Pichard induit un malaise à la lecture autant qu’une admiration pour le maître. Un dernier point sur sa technique à base de pointillés qui atteint ici des sommets.
LA MUSIQUE :
C'est Quoi ? FAIS-MOI MAL, JOHNNY !..
C'est de Qui ? Boris Vian & Magali Noel
La couv' :
Déjà croisé par ici ? Non
On peut écouter ? Yes, sir !
Ca donne quoi ? La tentation était trop grande de ne pas placer le premier morceau de "rock français sado-masochiste" en regard des cruelles mésaventures de la plantureuse Josépha. En composant ce morceau pour l’actrice Magali Noël (ainsi qu’"Alhambra Rock", "Strip Rock" et "Rock des petits cailloux" à déguster sans modération, avec du camembert à la petite cuiller), Boris Vian - qui ne croyait qu’au jazz – voulait surtout privilégier le côté comique, voire grotesque, du rock, plutôt que son aspect érotique. Et pourtant… L’écrivain-parolier a créé malgré tout un ovni musical qui s’inscrit bien dans la tradition française de la chanson paillarde, mais habité par un pur esprit rock SM, grâce la gouaille dominatrice de son interprète, qui n’a rien perdu de son mordant 60 ans plus tard, et à des paroles sacrément déjantées. Les autorités ne s’y tromperont pas, qui interdiront la diffusion de "Fais-moi mal, Johnny" sur les ondes radios, en raison de… paroles jugées trop choquantes et obligeront Magali Noël à la chanter sur scène en remplaçant, ou supprimant, les passages trop osés avec le résultat suivant : "La moitié de la salle commence à me siffler, à m’envoyer des papiers et même des tessons de bouteilles. C’était affreux, mais l’autre moitié m’applaudissait ! Je me suis brusquement rendue compte que j’étais devant des gens déchaînés et j’avais les jambes qui commençaient à trembler" (in France Soir). Ca c’est de la chanson qui fait « bing » !
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Une chronique de JC et Lio