La Saga de l'été 2019 / Les Cités Obscures 2° Partie

Suite de la saga de l'été de Gen…

Intégrale 2 = La Tour, La route d'Armilia, Brüsel, Le dossier B  

C'est quoi : LES CITES OBSCURES

C'est de qui ? François Schuiten (dessinateur) et Benoît Peeters (scénariste)

Déjà croisés sur BO BD ? Oui.

C’est édité chez qui ? Casterman

1 – LA TOUR (1987)

La Couv':

Ça donne Quoi ? Giovanni Battista est un mainteneur, c’est-à-dire qu'il est chargé de maintenir le bon état de la section de la Tour dont il est responsable. Mais cela fait maintenant trop longtemps qu'il n'a plus de réponses à ses lettres envoyées à la Base et qu'aucun inspecteur n'est venu. La Tour se délabre lentement et il décide de descendre à la Base, mais, suite à un problème, il se retrouve plus haut que sa zone sans être tout en haut.

Là il rencontre Elias qui lui en apprend un peu plus sur la Tour et l'univers… et Milena. Malgré leur différence d'âges, elle décide de partir avec lui en expédition pour rejoindre le sommet avant de descendre au plus bas et de découvrir un passage vers un autre monde.

La Tour est sans doute le plus étonnant des albums de la série. L'histoire de cette tour en construction permanente évoque immédiatement la légende de la tour de Babel mais elle évoque aussi l'opiniâtreté de l'humanité prête à se lancer dans des projets grandioses sans toujours se soucier de leurs réelles faisabilités et sans se donner les moyens de leurs véritables pérennités. Le traitement graphique en noir et blanc proche du style des grands graveurs du passé par ses jeux de hachures avec les touches de couleurs des tableaux est très beau et fourmille de petits détails incroyablement précis.

Si l'on croit les spécialistes qui ont analysé l'album, Schuiten se serait inspiré des travaux de Giovanni Battista Piranesi dont, en particulier, ses Prisons imaginaires auraient servies de modèles à la tour ainsi qu'aux titres des chapitres.  

Plus des inspirations plus proches de nous avec quelques peintres du XIXe siècle pour les tableaux en couleurs. J'ai aussi trouvé qu'Orson Welles aurait servi de modèle pour les traits de Giovanni… et aussi pour son physique un rien arrondi.

C'est un des grands titres de la série et qui reste le titre phare pour de nombreux lecteurs. Pour ma part, même si je l'aime beaucoup, ce n'est pas mon préféré (voir 1e chronique) car le côté ésotérique de l'histoire m'a parfois déconcertée. Il y aussi la fin qui est un peu trop abrupte à mon gré et qui me laisse sur une interrogation : où finit Giovanni? Dans le monde obscur ou dans notre monde?

La version révisée contient une planche d'introduction supplémentaire et une postface. 

2 – LA ROUTE D'ARMILIA (1988)

La Couv'

Ça donne Quoi ? Cet album est plus une histoire illustrée qu'une BD. Mais, cela mis à part, il nous en apprend plus sur le monde obscur en citant quelques villes et en les montrant sur un morceau de carte.

C'est l'histoire d'un voyage en zeppelin vers la ville d'Armilia prise dans les glaces du Pôle. C'est le jeune Ferdinand  qui a pour mission de transmettre une formule à Armilia pour la remettre en route. En visitant la structure du zeppelin, il trouve la jeune Hella qui s'est enfui d'une usine-bagne de Mylos – point de départ du voyage. Elle le suivra jusqu'au bout du voyage en vivant escales et dangers comme tout l'équipage.

Arrivés à Armilia, c'est Hella qui sauve la mise à Ferdinand en lui donnant la lettre perdue contenant la formule. Armilia redémarre et s'enfonce sous l'eau.

Une question persiste : ce voyage a-t-il vraiment eu lieu ou est-ce un conte écrit par Friedrich, le petit ouvrier esclave de Mylos?

*

L'exemple de planche est en flamand (merci au site altaplana.be) pour rappeler que la série a été traduite dans de nombreuses langues… et surtout pour montrer la différence de police entre la 1^e version et la nouvelle montrée un peu plus loin.

2 BIS – LA ROUTE D'ARMILIA ET AUTES LEGENDES DU MONDE OBSCUR (2010)

La Couv':

Ça donne Quoi ?

Cet album reprend bien sûr l'album précédent avec une police très différente. Mais 3 autres récits y sont ajoutés : Mary la penchée (qui sera mieux présenté dans la 3^e chronique), Les Chevaux de Lune et La Perle.

Les Chevaux de Lune est une jolie BD muette où l'on retrouve Mary von Rathen (voir 3^e chronique) qui rêve de beaux chevaux blancs. Une histoire que Schuiten aurait dessinée pour sa propre fille selon certaines sources.

Enfin La Perle est une BD inspirée du conte d'Andersen La princesse au petit pois où on découvre un roi qui se détache de l'influence maternelle pour épouser celle qu'il aime et qui a tout fait pour le rejoindre. L'aspect physique du roi est fortement inspiré du roi Baudouin avec sa haute stature et ses lunettes.

*

La route d'Armilia est une merveilleuse façon de découvrir une partie de la géographie du monde obscur grâce à la carte des divers survols ou escales. Les dessins fins de Schuiten font merveille. Ce n'est pas pour rien que l'un des membres d'équipage s'appelle Bilibine, qui a marqué l'illustration des contes russes de son style particulier, car Schuiten s'est inspiré de ses tours de page pour illustrer cette histoire.

(pour en voir plus, allez sur https://www.wikiart.org/fr/ivan-bilibine)

À noter que le nom complet du jeune héros est Ferdinand Robur Hattéras… Cela ne vous rappelle rien? Il semble que le jeune Friedrich ait eu entre les mains des livres de Jules Verne, ce qui n'a rien d'étonnant puisque l'auteur a visité le monde obscur. Hélas pour lui, les contrôleurs ont brulé tous ses livres!

Il reste encore une fois des questions en suspens à la fin du récit : Armilia existe-t-elle ou n'est-ce qu'une invention de Friedrich? Et, si elle existe, pourquoi une ville au mécanisme d'horlogerie complexe aurait-elle une si grande influence sur le monde obscur?

Cette version avec 4 récits est plus donnée comme une lecture jeunesse, mais cette appellation ne me satisfait pas car il y a trop d'allusions graphiques ou de citations les rattachant à la série.

Les graphismes un peu froids et très architecturaux de la série sont encore visibles dans la 1^e histoire, mais ils deviennent plus doux (j'ai envie de dire duveteux par moments) dans les suivantes où les personnages n'ont plus de contours. Une évolution des graphismes vers les couleurs directes qui détonnent un peu au milieu d'une série où le côté technique des dessins d'architecture domine.

3 – BRÜSEL (1992)

La Couv':

Ça donne Quoi ? Constant Abeels est un fleuriste résolument moderne qui a décidé de ne plus vendre que des plantes en plastique. Mais il habite dans une zone qui doit être détruite avant reconstruction de Brüsel (à prononcer Bruzel). Suite à diverses péripéties, sa route croise celle du Dr Dersenval, créateur de l'électrophysiologie et grand adepte de l'usage de l'électricité pour soigner, ainsi que celle de Tina Tonero, révolutionnaire anti-administration…

Mais le projet monstrueux des échevins de la ville aboutit à des catastrophes : inondations, immeubles qui s'enfoncent… Le malheureux Constant est pris dans cette folie à son corps défendant, et se retrouve hospitalisé à cause de sa toux persistante d'abord dans un vieil Hôtel-Dieu puis dans la clinique flambant neuve (et pas terminée) du Dr Dersenval. Les choses vont de mal en pis jusqu'à ce que Tina le retrouve et qu'ils quittent Brüsel avec quelques personnages importants de l'album et de la série.

*

Cet album est une transcription dans le monde obscur de quelques projets plus ou moins fous et trop vite réalisés comme il y en a régulièrement dans notre monde. Des villes où tout est rasé pour construire à la place des immeubles gigantesques sans se soucier vraiment de l'environnement. Les auteurs ironisent ici sur le modernisme fou qui veut remplacer la nature par du plastique ou soigner tous les maux en utilisant des appareils électriques.

Côté graphismes, Schuiten s'est inspiré de certains bâtiments de Bruxelles et créé une ville moderne d'une froideur et d'un gigantisme incroyable. Peeters met en scène un personnage redondant de la série avec Alex Wappendorff, déjà vu dans La route d'Armilia et évoqué dans L'Archiviste ou L'Echo des Cités  et qui interviendra encore dans le futur de la série. C'est un inventeur de véhicules plus ou moins fonctionnels mais un brave homme plutôt sympathique.

*

Tina est un personnage étonnant. Déjà il faut avouer qu'il y a peu de personnages féminins importants dans la série, alors une révoltée contre l'administration de son gabarit est une figure intéressante. J'avoue ne pas avoir compris qu'elle tombe amoureuse de Constant que je trouve, personnellement, un peu fade… et pas vraiment séduisant. Mais sa biographie (voir Le guide des cités) laisse entendre que c'est son discours contre les fonctionnaires qui la séduit. À noter qu'elle est rousse comme Mary von Rathen (voit L'enfant penchée) qui est aussi une révolutionnaire d'un autre genre.

En relisant cet album (comme je le fais pour ces chroniques), j'ai y trouvé des échos avec le "Grand Paris" ou la destruction de nombreuses villes anciennes (comme Pékin) pour rénover en chassant les personnes aux revenus modestes loin du cœur des villes par la construction d'immeubles onéreux ou des périphériques de plus en plus grands (qui m'évoquent l'échangeur universel de Wappendorff).

La version révisée contient en plus une longue préface et un lettrage refait.

4 – LE DOSSIER B. (1995)

Si j'en crois Wikipédia, le dossier B. est un documentaire de fiction comparant le Bruxelles de notre monde au Brüsel du monde obscur. Mais je ne pourrai vous en dire plus… avant d'avoir lu l'intégrale.

Une Chronique de Gen