Deuxième partie de notre cycle Rock n' BD. Après les chroniques de Gen consacrées aux bandes dessinées dont les histoires parlaient de rock, voici venu le temps des portfolios et des essais qui reviennent sur des figures incontournables de cette mouvance. On commence avec l'homme dont Jean-Pierre Dionnet disait qu'il "reste le père fondateur de la BD rock en France"...
C'est édité chez qui ? Dupuis
Si les saintes 70’s peuvent nous évoquer une ère sur laquelle soufflait encore le vent de liberté apporté par Mai 68, saturée d’énergie électrique et de contre-culture pop, à Roanne, comme un peu partout en "province", ben il s’passe pas grand-chose ! Fan de science-fiction, de rock et de bande dessinée, le jeune Clerc trouve le temps bien long et les distractions bien rares. Enfermé dans sa chambre avec les deux seuls copains "branchés" de son lycée, il se repasse inlassablement, sur une chaîne stéréo achetée à prix d’or, les deux ou trois albums des Doors ou de Clearwater Revival qu’il a pu dégoter chez l’unique disquaire de la ville, et dévore les derniers numéros de Rock & Folk et Métal Hurlant. Rock et bande dessinée, une association d’idées magique… que le jeune homme tente déjà de concrétiser par le biais d’un fanzine au titre prophétique : Absolutly Live.
75, année fantastique… Serge Clerc a dix-sept ans, à peine plus que Rimbaud quand il effectua sa première fugue, depuis la morne Sedan, pour gagner la capitale : coup sur coup, L’Echo des Savanes, Métal Hurlant et Rock & Folk acceptent de publier plusieurs de ses dessins ! Un an plus tard, il quitte le lycée, sa province où, de toute façon, "il n’y avait rien à la télé" et part s’installer à Paris. La vie, de bohème, peut enfin commencer. Le portrait du jeune Roannais en artiste du 9e art se dessine inexorablement. Clerc poursuit sa collaboration avec R&F et Métal où il finit par rencontrer Philippe Manœuvre. Cet autre Rastignac (il vient de Saint-Ménéhould, patrie… des pieds de porc panés) se fait Vautrin pour initier le Ligérien aux mœurs parisiennes. Il l’aide également à canaliser sa création artistique laquelle s’oriente de plus en plus, par le biais notamment de sa série Rock City, vers l’illustration d’une scène rock alors en pleine effervescence.
Clerc profite de son temps libre pour fréquenter bibliothèques, salles obscure et librairies spécialisées en bande dessinées (l’incontournable Futuropolis). L’érudit rock se construit une culture alternative, qu’il réinjecte dans ses dessins. Son horizon professionnelle va bientôt s’ouvrir et franchir le Channel, lorsque Neil Spencer, rédacteur en chef du New Musical Express (le NME), l’un des piliers de la presse musicale anglaise, lui propose de travailler pour lui. Parallèlement, il suit Manœuvre dans ses interviews pour Rock & Folk, côtoie le haut du panier de la scène musicale du moment, (Clash, Cramps, Blondie…), rencontre les Stones… Autant de matière brute qu’il réinvestit dans ses récits de La Légende du rock’n’roll.
Au bout de dix ans, après la consécration d’une exposition qui lui est dédiée à New York, la verve s’épuise. S’il répond encore aux commandes de Carmel, Joe Jackson, Kid Creole ou des Fleshtones pour des affiches et des pochettes d’albums, Serge Clerc en a soupé du rock. Il veut se consacrer à la bande dessinée grand format (Meurtre dans le phare, 1986) et à ses enfants. Après une semi-retraite anticipée d’une quinzaine d’années, le dessinateur reviendra vraiment aux affaires en 2003 avec la mise en chantier de son Journal, autofiction graphique magistrale publiée cinq ans plus tard, dont on vous reparlera certainement.
Derrière une pochette délicieusement rétro, signée Serge Clerc (forcément !), se cache un des albums les plus marquants de ce trio anglais qui eu l’idée incongrue, mais géniale, de former un groupe de jazz-blues en plein ère post-punk. A bien y réfléchir, ce retour à une orchestration simple et dépouillée (batterie, contrebasse, congas) n’est pas si éloigné de la démarche artistique défendue par les autres tenants d’une new wave minimaliste. Brian Eno ne s’y trompera pas, qui coproduira en 1986, le sublime album Falling. Portée par la voix inspirée - au sens littéral, et presque biblique du terme - de sa chanteuse Carmel McCourt, Carmel livre un jazz-pop-cabaret des plus séduisants, mâtiné de soul, de gospel et parsemé de quelques standards du blues. Le compagnon de lecture idéal pour L’Intégrale Rock avec, bien sûr, deux ou trois verres de gin tonic !