A coté de ses séries souvent fleuves, Hermann a produit égalemnt pas mal de one-shots marquants (nous en avons chroniqué quelques uns d'ailleurs), beaucoup scénarisés par son fils, Yves H.
LA BD
C’est quoi ? LIENS DE SANG
C’est de qui ? Hermann & Yves H.
La couv’ :

Déja lu chez nous ? Oui
C’est édité chez qui ? Le Lombard
Une planche :

Ca donne quoi ? Hermann est né en 1938, en Belgique. C’est un enfant de la guerre arrivé un peu par hasard dans le monde de la bande dessinée franco-belge pétrie de bons sentiments. Après ses débuts sur Bernard Prince, le premier flirt avec l’ultra violence se produira dans Comanche à l'issue duquel la notoriété d'Hermann est telle qu'il peut sereinement envisager de se lancer en solo. Il en résultera Jeremiah, tout d'abord, et pléthore de one-shots, au fil desquels il nous fait partager son goût pour l'aquarelle, mais surtout une bonne dose de misanthropie. Toute son œuvre a pour ambition de nous plonger le nez dans notre propre noirceur. Et il est rare, et précieux, qu'une telle laideur épouse de la sorte la beauté du dessin !
Parmi ses nombreux one-shots, Liens de sang, sorti en 2012 dans la collection "Signé" au Lombard, se situe au début des années 50. Un jeune flic débarqué d'une brigade de province, Sam Leighton, découvre la réalité sordide d'une grande métropole américaine où la police, à commencer par ses officiers supérieurs, semble peu pressée d'élucider une série de crimes horribles. Est-elle corrompue ou terrorisée par le gang mafieux qui contrôle la ville et que dirige l'imprenable Joe Beaumont ?
Dessins de Hermann père et scénario de Yves H (le fils). Un scénario à la fois limpide et complètement tordu. Limpide dans son mode de narration. Un homme qu'on voit de dos dans un cimetière raconte l'histoire de Sam Leighton de manière chronologique. Ce qui n'empêchera pas celle-ci de se compliquer à souhait vers les deux tiers de l'album et bien plus encore sur la fin. Beaucoup d'éléments restent sans réponse. Je suis resté perplexe. Mais cela n'empêche pas ces Liens de sang de constituer un bel exercice de style sur une base de polar noir ricain. Les ambiances sont sombres à souhait. Les personnages sont caricaturaux, comme souvent chez Hermann, mais c’est aussi sa marque (Il y a près de vingt ans maintenant qu'on revoit les mêmes tronches dans tous ses albums). L’auteur trouve dans les rues mal famées, noyées de brouillard, de belles occasions de prouver sa maîtrise du mariage de la couleur et de l'eau Seul regret, on rêve de le voir dessiner un jour une fille à peu près jolie.
LA MUSIQUE
C'est quoi ? I WANT TO LIVE !
C'est de qui ? Johnny Mandel
La couv' :

Déjà entendu chez nous? Non
On peut écouter? Oui
Ca donne quoi ? Johnny Mandel a débuté comme trompettiste et tromboniste dans des groupes de jazz qui lui ont permis de se frotter à Count Basie, Stan Getz ou Chet Baker, autant de pointures pour qui il écrira d'ailleurs quelques morceaux.
Parallèlement à sa carrière de jazzman, il compose également un paquet de BO (une cinquantaine en quarante ans !), parmi lesquelles on retiendra celle de Détective Privé (Harper, 1966), du Point de non-retour (Point Blank, 1967) ou encore du Verdict (The Verdict, 1982). Mais sa participation la plus célèbre reste liée à M*A*S*H (1970) de Robert Altman dont il écrit la musique très flower power, mais aussi la fameuse chanson du générique, "Suicide is painless", sur des paroles de Mike Altman, fils de Robert (preuve que ce genre de collaboration ne se limite pas qu'au monde de la BD...). I Want To Live !, sorti en 1958 et qui accompagne le film de Robert Wise, est son premier travail pour le monde du cinéma.
Comparée par certains critique à celles de Mancini ou de Steiner, sa BO offre un mélange détonnant à mi-chemin entre musique d'ambiance haut de gamme et swinging jazz, soutenu par de puissantes percussions latines. Au-delà de la qualité remarquable de sa composition, l'album apparaît également emblématique d'une période d'émancipation du jazz dans les films noirs. Avant cela, les producteurs engageaient des compositeurs blancs - Bernstein, North, Rosza... - pour écrire des partitions d'inspiration classique aux colorations afro, le pur jazz restant une musique diégétique reléguée aux scènes de bars ou de dancing. En 1957, Louis Malle, en engageant Miles Davis pour la BO d'Ascenseur pour l'échafaud, ouvre la voie à une véritable reconnaissance de ce genre musical qui deviendra indissociable du film noir dans l'inconscient collectif.
Bien qu'écrite par un musicien blanc, la BO d'I Want To Live ! se situe malgré tout à la croisée des chemins entre la traditionnelle utilisation diégétique du jazz - avec les six morceaux interprétés par le Jazz Combo de Gerry Mulligan, que l'on peut voir jouer dans une scène du film - et émancipation non-diégétique (les treize morceaux de Mandel qui constitue la véritable musique du film). Un retour musical sur l'histoire du film noir on ne peut plus approprié pour accompagner la lecture de la BD-hommage d'Hermann.
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Une Chronique de JC & Lio