5 mars 2016 6 05 /03 /mars /2016 15:22

 

 

Inauguration d'une nouvelle rubrique ce week-end sur BOBD, consacrée à l'analyse d'adaptations cinématographiques de bandes dessinées. L'idée est simple : revenir brièvement sur les genèses de l'oeuvre originelle et du film qu'elle a (plus ou moins) inspiré, puis s'interroger sur la valeur de cette adaptation (fonctionne-t-elle ou pas ?), avant de proposer, comme on ne s'appelle pas BOBD pour rien, une critique de la musique composée ou utilisée pour ce film. Nous avons décidé de placer tout de suite la barre assez haut en nous attaquant à l'un des artistes dont les adaptations alimentent systématiquement la controverse (à laquelle il lui arrive d'ailleurs souvent de prendre part) : Alan Moore, que Peio a brillamment introduit hier avec sa chronique "providentielle" ! C'est parti pour la 1ère des trois adaptations du Mage de Northampton.     

 

 

 

Who Watches The Watchmen?

 

 

 

 

LA BD :

 

En 1986, débute la publication des deux défibrillateurs de la bande dessinée américaine moderne : Dark Knight de Frank Miller et Watchmen d'Alan Moore et Dave Gibbons. Adoptant la structure d'une intrigue policière aux ramifications... inter-dimensionnelles, cette dernière constitue avant tout une oeuvre auto-réflexive sur l'univers des super-héros d'une profondeur rarement explorée, les deux auteurs prenant soin d'intégrer toute une batterie de suppléments (journaux intimes, coupures de presse, encarts publicitaires et jusqu'à un récit de pirate sous forme de comics qui fait écho à l'histoire principale) qui viennent étoffer l'univers de la BD ou éclairer certains aspects de la biographie des personnages. Le succès est tel que la perspective d'en tirer une adaptation filmique germe rapidement dans l'esprit de certains producteurs.

 

 

 

 

LE FILM :

 

Envisagée dès 1988, cette adaptation est d'abord proposée à Terry Gilliam qui finit par jeter l'éponge en apprenant que son budget sera divisé par deux. Valsant d'un studio à l'autre pendant plus de dix ans, le projet refait surface début 2000, lorsque le scénariste de X-Men, David Hayter, pond le traitement qui met tout le monde d'accord. Reste à trouver celui qui le mettra en scène. David Fincher, Darren Aronofsky ou encore Paul Greengrass seront évoqués. Tous abandonnent le navire à un stade de pré-production plus ou moins avancé.

En 2006, Zack Snyder, auréolé du succès de L'Armée de morts, son remake nerveux et réussi du Zombie de Romero, apparaît comme le nouvel homme providentiel, même s'il ne fait pas l'unanimité auprès de tous les fans de la BD qui lui reprochent son style outré et outrancier (comprendre "clipesque" et "bourrin").

 

 

Quoi qu'il en soit, le réalisateur, qui vient de finir 300 en étroite collaboration avec Frank Miller, se veut rassurant : sa version de Watchmen ne trahira pas le matériau d'origine. Le tournage débute donc sous les meilleurs auspices en 2007 et sort en 2009. Ayant coûté 130 millions de dollars, il n'en récolte que 184. Ce qui est bien, mais pas top ! Snyder impute ce succès en demie-teinte à un montage "salle" trop court. Pour rectifier le tir, il propose un director's cut, uniquement disponible en DVD Zone 1 pour des questions de droit. Agrémentée de 24min supplémentaires, cette version longue apporterait plus de violence, de sexe (et d'originalité ?) au film. A confirmer...

 

 

L'ADAPTATION

 

5min02sec. C'est le temps durant lequel le spectateur, laissant échapper quelques larmes d'émotion, se dit que Zack Snyder a tout compris de l'esprit du comics créé par Moore et Gibbons. 5min02sec... avant que ne s'achève le générique d'ouverture de Watchmen, emportant avec lui nombre des espoirs qu'il avait suscités. Car passé ce moment de pure grâce cinématographique, l'opinion que l'on aura du film relève surtout de la théorie du verre à moitié vide ou à moitié plein.

 

 

Dans le 1er cas, partant du principe qu'une adaptation réussie consiste en la réappropriation de l'oeuvre originelle, on estimera que Snyder a raté son coup, puisqu'à quelques détails près, son film n'est que la copie conforme (en nettement moins dense) du comics. Ce faisant, on rejoindra la position d'Alan Moore qui considère depuis toujours que ses histoires sont incomprises par les producteurs hollywoodiens, lesquels en trahissent forcément l'esprit, en les passant à la moulinette du politiquement correct. Le scénariste s'est d'ailleurs désolidarisé du film (position que Snyder respecte) en précisant qu'il trouvait que l'adaptation de 300 commise par ce dernier ne faisait qu'accentuer le caractère "raciste, homophobe et in fine vraiment stupide" de la BD. Fatality !

 

 

 

Dans le 2nd cas, on admettra que, dans le contexte ardu d'une production de blockbuster, Snyder a eu le mérite d'imposer jusqu'au bout au studio sa vision d'une histoire ambitieuse et complexe, sans jamais la trahir (même si adapter, c'est aussi trahir, passons...) ; servie, et c'était pas gagné, par un casting irréprochable. Son film apparaît dès lors comme la meilleure adaptation d'un comics depuis Spider-Man 2 de Sam Raimi.

 

A chacun de se demander, maintenant, comment il regarde le verre...

 

 

 

LA MUSIQUE :

 

 

 

 

C'est peu dire que la musique occupe une place prépondérante dans la BD Watchmen dont Alan Moore a émaillé le scénario de nombreux emprunts au rock, au folk ou au jazz. Zack Snyder a conservé cette prépondérance musicale dans son film... non sans modifications.

 

 

Des dix morceaux cités par Moore, le réalisateur en reprend cinq, qu'il n'utilise pas forcément dans les mêmes contextes, ni dans leurs versions d'origines. On peut s'interroger sur les motivations qui ont poussé Snyder à ne pas aller bout de sa démarche de fidélité - d'autant qu'il ajoute ses propres sélections pas toujours heureuses ("Halleluja" de Leonard Cohen pour la scène de cul, mouais...) - mais aussi à bouleverser l'ordre établi par le scénariste. Problèmes de droits ? Volonté de se démarquer ? Ceci dit, il faut admettre que l'album Watchmen : Music for the Motion Picture, qui rassemble les morceaux empruntés à différents artistes, fonctionne plutôt bien et que la décision d'utiliser "The Time They Are A-Changing" de Dylan en ouverture (dans la BD, le titre sert de slogan au parfum Nostalgia) est diablement inspirée.  Ce qui est loin d'être le cas de la 2nde BO du film, Watchmen : Original Motion Picture Score, composée par Tyler Bates.

 

 

Ecrite sous la triple inspiration de Manhunter, To Live & Die in L.A. et Blade Runner, BO emblématiques des 80's où se déroule Watchmen, l'approche a de quoi enthousiasmer (pour peu qu'on accroche à la synthé-pop de Wang Chung ou aux synthés tout court de Vangelis...). Làs, le résultat est loin d'être probant. Composition sans finesse, dépourvue du moindre thème accrocheur (alors que le film, avec sa galerie impressionnante de personnages, méritait une approche opératique digne de celle d'Elfmann pour Batman Returns), la partition de Bates ne se hisse jamais au-delà de la fonction principale qui lui est dévolue : servir de transition entre la douzaine de chansons retenues pour le film.

 

 

 

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Une chronique de Lio

 

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