En marge de ses travaux mainstream, à base de héros populaires, Kubert a aussi produit quelques oeuvres plus personnelles qui l'ont confirmé comme auteur complet.
LA BD :
C'est quoi ? YOSSEL
C'est de qui ? Joe Kubert
La Couv' :
Déjà lu ici ? Oui
Un planche :
Ca donne quoi ? Joe Kubert n’a que treize ans lorsqu’éclate la Seconde Guerre mondiale. Deux ans plus tard, alors que les Nazis décident d’appliquer la Solution Finale, il est embauché chez DC Comics. Son rêve de devenir un professionnel de la bande dessinée se réalise, tandis qu’en Europe des milliers de Juifs sont envoyés dans les camps de la mort à Auschwitz, Treblinka, Sobibor... Des Juifs dont Kubert aurait pu faire partie, si ses parents n’avaient pas décidé de quitter la Pologne à la fin des années 20. Soixante ans plus tard, conscient qu’il doit son existence paisible en Amérique à un simple coup du hasard, le dessinateur ressent le besoin de s'exprimer sur le sujet. C’est ainsi qu’est née Yossel, autofiction sous forme de roman graphique. Kubert y retrace l’histoire d’un jeune Juif - version alternative de lui-même - qui parvient à s’évader de la réalité mortifère du ghetto de Varsovie grâce à ses dessins, inspirés par ses lectures passionnées de comics. Mais bientôt les esquisses de Flash Gordon et Tarzan vont céder le pas à des croquis pris sur le vif qui rendent compte du cauchemar quotidien vécu par les habitants du ghetto… Comme l'explique Kubert dans la préface, il était prévu que la BD soit encrée, mais pour conserver "un sentiment d'urgence", il a choisi de la laisser à l'état de crayonnés. Le résultat est impressionnant, solidement documenté, d'une justesse de ton irréprochable et, par son parti-pris esthétique, donne vraiment au lecteur l'impression de parcourir les pages d'un sketchbook griffonné aux portes de l'Enfer.
LA MUSIQUE
C'est quoi ? SYMPHONIE N°3 (dite "Des Chants plaintifs")
C'est de qui ? Henryk Gorecki
La Couv :
Déjà entendu chez nous ? Non
On peut écouter ?
Ca donne quoi ? Quand les Polonais font de la musique, le moins qu’on puisse dire c’est que le résultat ne déborde pas toujours de joie de vivre, mais il est généralement d’une grande puissance musicale et fait immédiatement travailler l’imaginaire. C’est sans doute pour ça que les œuvres de Penderecki, Preisner ou Gorecki ont été si souvent utilisées au cinéma : par Kubrick, Friedkin ou Scorcese pour le 1er, Kieslowski, dont il a été le compositeur officiel, pour le 2nd et Pialat ou Peter Weir pour la symphonie n°3 du dernier, que nous avons retenue ici. Composée en 1976, celle-ci remporta un vif succès suite à son enregistrement vingt ans plus tard (1 million d’albums vendus et élu disque de l’année 1994 en Angleterre… oui on parle pourtant bien de musique « classique »). Le second mouvement de la symphonie s’appuie sur une prière inscrite sur le mur de sa cellule par une Polonaise, prisonnière de la Gestapo. En dépit de l’atmosphère lugubre et pesante qu’elle dégage, et qui nous renvoie directement au roman graphique de Kubert, l'oeuvre de Gorecki finit par inspirer malgré tout à l'auditeur un profond sentiment d’apaisement, comme une lumière surgissant des ténèbres.
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Une chronique signée Lio